Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

défendre dans le monde la cause éternelle de la justice et les intérêts des peuples opprimés. Admirable spectacle d’un moribond lançant, d’un geste suprême, la bonne semence de la pensée vers l’avenir ! Sur son lit d’agonie, Julien Leclercq organisait les cadres du futur journal, établissait ses comptes, sollicitait des collaborations. Il expira avant d’avoir pu lire le sommaire du premier numéro de l’Européen, et laissant à d’autres le soin sacré d’accomplir ses projets.

Et c’est cet homme que M. Thiébault-Sisson a présenté aux lecteurs du Temps comme une sorte de singe joueur de mandoline ! Je comprends mal que mon ami Mazel ait pu prétendre, dans un article récent, que notre génération n’avait jamais eu à se plaindre de la critique. À chaque mort d’un des nôtres, c’est dans la presse la même incompréhension prétentieuse, la même malveillance sournoise. Je demande, en parodiant Baudelaire, s’il n’est pas une loi qui interdise aux journalistes l’entrée des cimetières.

Un des habitués les plus fidèles de la Côte d’Or fut Clément Bellenger. Pâle, maigre, chevelure et barbe rousses, l’air d’un Christ au jardin des Oliviers, il mangeait à part, comme effarouché par le bruit que nous menions et choqué par l’outrance de nos paradoxes. Mais j’entends déjà qu’on me demande qui était Clément Bellenger. Tout