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faisant de Gauguin, dans le Temps, la plus vile caricature. Je puis témoigner, comme tous ses amis, que Gauguin mena toujours la vie la plus probe et la plus digne. Il haïssait la pose et la prétention. Sa seule passion était le travail, et il évitait, très soucieux de sa santé, tous les excès. Mais, de même que Théophile Gautier offusqua les bourgeois de son temps par le gilet nacarat qu’il porta à la première d’Hernani, Paul Gauguin offensa la vue un peu débile de M. Thiébault-Sisson par son gilet breton aux éclatantes broderies jaunes. Vous pensez bien qu’un monsieur aussi polychrome ne pouvait être qu’un farceur, un fainéant et un alcoolique.

Julien Leclercq fut une autre victime de M. Thiébault-Sisson. Pauvre Leclercq ! S’il ne fut pas un grand poète, il fut un grand cœur. Mais il avait le tort grave, aux yeux de M. Thiébault-Sisson, de porter une chevelure que je ne puis comparer qu’à celle d’un chamelier nubien. Tort pire, on le voyait Bullier dansant des chahuts fantastiques en compagnie d’un peintre aussi chevelu que lui ! Mais, ne savez-vous pas, messieurs les critiques cossus, à quelles abominables nécessités sont souvent réduits les artistes indigents ? Et sous le rire simulé ne devinez-vous pas la douleur prête à éclater en larmes ? Julien Leclerq descendit tous les cercles de l’enfer pari-