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Les mahométans ne sont pas moins habiles à établir un sens mystique sous les descriptions voluptueuses de leur paradis ; et les Indiens en font autant avec leurs Védas, au moins pour la partie la plus éclairée du peuple. De la même façon, les documents de la religion chrétienne, l’Ancien et le Nouveau Testament, doivent, d’après Kant, recevoir, par une interprétation générale, un sens qui concorde avec les lois universelles et pratiques d’une pure religion rationnelle ; et une telle interprétation, quand même elle devrait faire au texte une violence apparente ou réelle, mérite d’être préférée à une interprétation textuelle, qui, ainsi que cela est pour plusieurs histoires bibliques, ou ne contient absolument rien d’utile à la morale, ou même est en opposition avec les mobiles moraux. Ainsi les expressions furieuses de plusieurs psaumes contre les ennemis sont détournées sur les appétits et les passions que toujours nous devons nous efforcer de tenir sous nos pieds ; et les merveilles qui sont racontées, dans le Nouveau Testament, de l’origine céleste de Jésus, de son rapport avec Dieu, etc., sont des représentations symboliques de l’idéal d’une humanité à qui Dieu est concilié[1]. Une pareille interprétation est possible, sans même que l’on pèche toujours contre le sens littéral des documents de la croyance populaire ; et cette possibilité, d’après la remarque profonde de Kant, tient à ce que, longtemps avant l’existence de ces documents, le germe de la religion morale reposait caché dans la raison humaine. Les premières et grossières manifestations de cette disposition ne parurent, il est vrai, que dans les usages du culte, qui fut l’occasion des prétendues révélations, mais ces fictions mêmes reçurent l’empreinte non préméditée de quelques traits du caractère spirituel de leur origine. Kant croit encore pouvoir laver cette interprétation du reproche de falsification, en observant qu’elle ne prétend pas que le sens

  1. Deuxième article, première section, a et b.