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lante à un événement dont il aurait été ou témoin ou voisin ; qu’il en est tout autrement quand il s’agit d’une histoire très reculée ; que l’imagination ne se trouve plus réprimée par la résistance qu’oppose la forme fixe de la réalité historique, mais que l’essor en est renforcé par l’idée que tout a été plus grand et meilleur dans les temps antiques, et que l’écrivain est ainsi entraîné à employer des expressions plus relevées et un langage qui ennoblit les choses ; que cela est surtout difficile à éviter quand l’historien, venu tardivement, recueille la tradition antique pour la consigner dans son livre, et quand les actions et les destinées aventureuses des ancêtres, transmises dans un langage inspiré du père au fils, du fils au petit-fils, et ornées par l’imagination des poëtes, y sont reproduites avec un style teint de toutes ces couleurs brillantes[1]. Au reste, même avec cette opinion sur une partie des livres de l’Ancien Testament, Eichhorn ne croyait pas encore perdre le terrain historique, et, déduction faite des additions plus ou moins considérables dues à la tradition, il avait la confiance de pouvoir y découvrir le cours naturel de l’histoire.

Mais Eichhorn, le maître dans l’explication naturelle de l’Ancien Testament, s’est, dans un des récits au moins, élevé au-dessus de ce mode d’interpréter, je veux parler du récit de la création et de la chute. Bien que, dans son Histoire primitive, livre qui a exercé tant d’influence[2], il eût dit tout d’abord que le récit de la création n’était que poésie, néanmoins il avait encore soutenu que dans le récit de la chute de l’homme nous avons, non pas de la mythologie, non pas de l’allégorie, mais une vraie histoire, et que, déduction faite de tout le surnaturel, ce qui restait en fait,

  1. Allgem. Biblioth., Bd. 1, S. 294. Comparez l’ouvrage intitulé : Einleitung in das A. T., 3ter Bd., S. 23 ff., der vierten Ausgabe.
  2. Ce travail a d’abord paru dans la quatrième partie du Repertorium für biblische und morgenlændische Literatur. Plus tard, à partir de 1790, il a été publié avec des remarques, par Gabler.