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christianisme, Celse, Porphyre, Julien. Ces écrivains, tout en rejetant comme de pures fables bon nombre de récits de l’Histoire sainte, laissaient subsister comme historiquement vraies plusieurs particularités qui sont racontées de Moïse, de Jésus et d’autres ; mais ils attribuaient les actions à des motifs ordinaires, et les opérations miraculeuses soit à de grossières tromperies, soit à une sorcellerie sacrilège.

Au reste, c’est ici le lieu de faire remarquer une différence entre l’intervention de ce mode d’explication dans le judaïsme et le paganisme d’une part, et son intervention dans le christianisme d’autre part. Chez les Hébreux et les Grecs, dont la religion et la littérature sacrée s’étaient développées au fur et à mesure du développement de la nation, le désaccord, qui est la source de ces modes d’explication, ne se manifesta que lorsque la culture intellectuelle du peuple commença à dépasser la religion de ses pères, et par conséquent lorsque celle-ci marcha vers sa décadence. Au contraire, le christianisme entra dans un monde dont la civilisation était toute faite, civilisation qui, en dehors de la Palestine, était la gréco-juive et la grecque ; et dès l’abord il fallut qu’un désaccord se manifestât, non plus, comme auparavant, entre une nouvelle culture et une ancienne religion, mais au contraire entre la nouvelle religion et l’ancienne culture. Ainsi, tandis que, dans le paganisme et le judaïsme, l’apparition de l’explication allégorique annonçait que ces religions étaient déjà sur leur déclin, l’allégorie d’un Origène, comme la contradiction d’un Celse, relativement au christianisme, indiquait bien plutôt que le monde d’alors n’avait pas encore conformé convenablement sa vie à la nouvelle religion. Mais, lorsque, l’empire romain ayant été christianisé, et les grandes hérésies ayant été vaincues, le principe chrétien acquit une domination de plus en plus exclusive ; lorsque les écoles de la sagesse païenne se fermèrent et que les peuplades incultes de la