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çon inconnue se sont mêlées à la notion généralement admise d’un conflit entre les Grecs et les Troyens ? Voici ce qui seulement est praticable : l’homme qui veut étudier l’histoire avec jugement et en écarter les illusions, considérera quelle partie de cette histoire il doit croire sans plus ample informé, quelle partie au contraire il doit ne concevoir que d’une manière symbolique (τίνα δὲ τροπολογήσει) en tenant compte du dessein des narrateurs, et enfin de quelle partie il a à se défier complètement comme dictée par le désir de plaire. J’ai voulu, dit en terminant Origène, rappeler ces remarques préliminaires au sujet de toute l’histoire de Jésus donnée dans les évangiles, non pour exciter les gens clairvoyants à une croyance aveugle et non autorisée, mais pour montrer que cette histoire veut être étudiée avec jugement et approfondie avec soin, et qu’il faut, pour ainsi dire, s’enfoncer dans le sens des écrivains, afin de découvrir à quelle fin ils ont écrit chaque chose. »

On voit qu’ici Origène, dépassant le point de vue allégorique où il se tient d’ordinaire, est presque arrivé au point de vue mythique des modernes[1]. Mais, déjà pour l’Ancien Testament, il s’abstint de donner une plus grande extension à ce mode de conception, en partie parce qu’il était lui-même engagé par ses préjugés dans la croyance au surnaturel, en partie parce qu’il craignait de scandaliser l’Église orthodoxe ; ces deux motifs durent agir avec bien plus de force à l’égard du Nouveau Testament : aussi ne peut-on citer que bien peu d’exemples quand on recherche de quels récits du Nouveau Testament Origène a nié la réalité historique, pour s’attacher à la vérité digne de Dieu. Il dit bien, dans le cours du passage cité plus haut, qu’entre autres choses il ne faut pas entendre à la lettre l’enlève-

  1. C’est ce que Mosheim a aussi remarqué dans sa Traduction du livre d’Origène contre Celse, p. 94. Remarque.