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de ce mode d’explication, qui, pour conserver la pureté du sens absolu, sacrifiait maintes fois la forme de la réalité historique, on ne vit pas se produire l’interprétation opposée, celle qui, comme dans Evhémère, conserve l’histoire, mais la rabaisse à une histoire humaine et vulgaire, il faut attribuer cette circonstance au point de vue surnaturel, auquel les Juifs se sont toujours tenus fermement attachés. Ce sont les chrétiens qui, pour la première fois, ont fait passer les livres de l’Ancien Testament sous l’explication d’Evhémère[1].


§ IV.


Explication allégorique parmi les chrétiens. — Origène.

Les chrétiens des premiers temps, avant l’établissement de leur propre canon, se servaient principalement de l’Ancien Testament comme d’une écriture sacrée. En conséquence, ils ressentaient vivement le besoin d’interpréter allégoriquement ce livre, attendu qu’ils s’étaient élevés au-dessus du niveau de l’Ancien Testament d’une manière plus marquée que les Juifs les plus cultivés. Il n’est donc pas étonnant qu’on ait adopté, dans la primitive Église, ce mode d’interprétation déjà usité parmi les Juifs. Mais ce fut encore à Alexandrie qu’il prit, entre les chrétiens, son principal développement, et là il paraît surtout attaché au nom d’Origène. Origène, conformément à la triple division qu’il admettait dans la nature humaine, attribuait à l’Écriture un triple sens : le premier littéral et répondant au corps, le second moral et répondant à l’âme, le troisième mystique et répondant à l’esprit[2]. Néanmoins, il laisse généralement ces trois espèces de sens subsister l’une à côté de l’autre, quoique avec une valeur différente ; mais, dans des cas particuliers, il prétend que l’explication littérale ne donne point

  1. Une semblable interprétation allégorique est signalée chez d’autres peuples, chez les Persans, chez les Turcs, par Dœpke, p. 126 et suiv. Comparez aussi Kant, De la religion dans les limites de la simple raison, 3e article, n. vi.
  2. Homil. 5, in Levit., § 5.