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y résidait. Cette contradiction apparente a été relevée par la critique la plus moderne du premier évangile : elle a voulu établir que Matthieu s’était trompé en disant que Jean-Baptiste avait opéré dans le désert[1]. Mais celui qui, d’après les raisons exposées plus haut, ne se décidera pas à rejeter le dire de Matthieu, peut ici aussi résoudre la difficulté, soit en admettant que Jean-Baptiste avait, il est vrai, tenu ses premières prédications dans le désert de Judée, mais qu’il l’avait aussitôt quitté pour se rendre sur les bords du Jourdain à l’effet de baptiser ; soit en supposant, si le bord du Jourdain doit être aussi attribué à ce désert, que les deux premiers évangélistes auraient dû seulement dire que l’Esprit avait, après le baptême, entraîné Jésus dans les profondeurs du désert, mais qu’ils ont omis cette désignation plus précise, parce qu’en décrivant la scène du baptême, ils ne songèrent plus que précédemment ils avaient représenté comme un désert le lieu où Jean-Baptiste exerçait son ministère.

Mais il y a de plus une difficulté chronologique. Tandis que, d’après les synoptiques, Jésus, dans la plénitude récente de la communication de l’Esprit, πνεῦμα, sur le bord du Jourdain, se rend, immédiatement après le baptême, dans le désert, où il séjourne quarante jours, et ne retourne en Galilée qu’après ce laps de temps, Jean, qui ne dit rien de la tentation, semble, au contraire, ne supposer entre le baptême et le voyage de Jésus en Galilée qu’un intervalle de peu de jours, pendant lequel ce séjour de six semaines dans le désert ne peut trouver place. Le quatrième évangile commence son récit par le témoignage que Jean-Baptiste dépose devant les députés du Sanhédrin (1, 19 et seq.) ; le lendemain, τῇ ἐπαύριον, il fait raconter à Jean-Baptiste, à la vue de Jésus, toute la scène qui, d’après les synoptiques, a signalé son baptême (v. 29, seq.) ; le lendemain encore, τῇ

  1. Scheckenburger, Ueber den Ursprung des ersten kanonischen Evangel., S. 39.