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l’Esprit divin ; et, bien que, dans tous les cas, nous devions prendre en considération le caractère unique de la tâche messianique, pour l’accomplissement de laquelle il devait être qualifié[1], il n’en reste pas moins impossible de supposer existant en lui, dès le moment de sa naissance, ce maximum de la disposition intérieure requise pour le rôle de Fils de Dieu ; conséquence à laquelle Lücke n’échappe qu’en mettant sur le second plan la scène du baptême de Jésus, et en la transformant en une simple inauguration. Mais, en cela, il contredit, d’après ce qui a été dit plus haut, les documents évangéliques.

Il faut donc répéter ici ce que nous avons dit pour les listes généalogiques : dans le cercle de la communauté chrétienne primitive, où se forma le récit de la descente de l’Esprit, πνεῦμα, sur Jésus lors de son baptême, l’idée d’une conception de Jésus par ce même Esprit ne peut pas avoir été dominante. Mais, tandis qu’aujourd’hui l’on pense que la nature divine fut communiquée à Jésus dès le moment de sa conception, ces anciens chrétiens ont nécessairement considéré le baptême comme le moment où cette communication se fit pour la première fois ; or, le fait est que ces mêmes chrétiens des premiers temps, que nous avons trouvés plus haut ignorant ou repoussant l’idée d’une conception surnaturelle de Jésus, sont en même temps ceux qui croyaient que la communication des forces divines à Jésus ne s’opéra que lors de son baptême dans le Jourdain. Nulle autre doctrine n’a excité les Pères de l’Église orthodoxes à poursuivre avec plus de colère les anciens Ébionites[2], et

  1. Si l’on part du point de vue orthodoxe, on ne peut pas dire avec Hoffmann (S. 301 f.) que, pour conserver la conviction de sa messianité et sa véritable position au milieu de tant de tentations et d’adversités, il ne lui aurait pas suffi d’avoir une certitude intérieure, mais qu’une confirmation extérieure par un acte était nécessaire.
  2. Epiph. Hæres., 30, 14 : Ils prétendent que Jésus a été réellement homme, mais que celui qui descendit sous forme de colombe devint le Christ en lui, etc. Ἐπειδὴ γὰρ βούλονται τὸν μὲν Ἰησοῦν ὄντως ἄνθρωπον εἶναι, Χριστὸν δὲ ἐν αὐτῷ γεγενῆσθαι τὸν ἐν εἴδει περιστερᾶς καταϐεϐηκότα κ.τ.λ.