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dessus se réduit à la distinction de ce qui est en puissance et de ce qui est en acte ; or cela se réfute de soi-même. Si le caractère du Christ, Χριστός, qui, par le baptême, se manifesta en acte dans Jésus au moment où il atteignit l’âge viril, était déjà en puissance dans Jésus enfant et jeune homme, une force d’évolution avait été simultanément déposée, en vertu de laquelle la disposition messianique se sera développée successivement de dedans en dehors, et qui exclut l’éveil soudain de cette disposition par l’Esprit, πνεῦμα, venant du dehors. Cependant cela ne veut pas dire que le divin, mis, dès le moment de la naissance, en Jésus conçu surnaturellement, n’ait pas eu, en même temps, besoin d’une excitation extérieure en raison de la forme humaine de son développement ; et Lücke est parti, avec plus de justesse, de l’opposition entre l’évolution interne et l’excitation extérieure[1]. Le Verbe, existant en Jésus depuis sa naissance, dit ce théologien, a eu besoin, quelque puissant que fût le mobile intérieur, d’excitation et de vivification du dehors pour arriver à la plénitude d’efficacité et de manifestation dans le monde ; or, ce qui vivifie et dirige les germes divins de vie dans le monde, c’est justement, d’après les idées apostoliques, l’Esprit saint, πνεῦμα ἅγιον. Accordons cela à Lücke ; mais la disposition interne et la force nécessaire de l’excitation extérieure n’en sont pas moins dans un rapport inverse, c’est-à-dire que, plus forte est l’excitation exigée, plus faible est la disposition interne. Avec une disposition interne dont la grandeur est absolue, telle qu’on doit la supposer en Jésus, engendré par l’Esprit, πνεῦμα, ou animé par le Verbe, λόγος, l’excitation extérieure doit être un minimum ; de telle sorte que toute circonstance, même la plus ordinaire, suffira pour mettre en jeu le puissant mobile intérieur ; or, lors du baptême de Jésus, nous voyons un maximum d’excitation extérieure dans la descente visible de

  1. Comm. zum Ev. Joh., 1, S. 378 f.