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aux yeux des autres ce qu’il était déjà. Une telle abstraction est-elle conforme à l’intention de nos récits ? Une consécration donnée sous l’influence de la coopération divine fut toujours considérée par l’antiquité comme étant une communication de forces divines accordées pour l’accomplissement de la fonction ; de là vient que, dans l’Ancien Testament, les rois, aussitôt après l’onction, sont remplis de l’esprit de Dieu (1 Sam., 10, 6. 10. 16, 13) ; et dans le Nouveau Testament aussi, les Apôtres, avant le commencement de leur vocation, sont pourvus de forces supérieures (Act. Ap., 2). En conséquence, on peut conjecturer d’avance que, dans le sens primitif des évangiles, la consécration de Jésus par le baptême emportait en même temps l’idée d’une force divine qui lui était conférée ; et le premier aspect de nos récits confirme cette manière de voir : car les synoptiques remarquent tous qu’après le baptême, l’Esprit, πνεῦμα, conduisit Jésus dans le désert. Évidemment ils veulent caractériser par cette retraite le premier effet du principe supérieur reçu lors du baptême. Mais dans le quatrième évangile, l’expression rester sur lui, μένειν ἐπ’ αὐτόν, dont l’auteur se sert pour représenter l’Esprit descendu sur Jésus (1, 33), paraît indiquer qu’à partir du moment du baptême, il s’établit entre l’Esprit saint, πνεῦμα ἅγιον, et Jésus, une relation qui n’existait pas auparavant.

Cette interprétation du merveilleux qui signale le baptême de Jésus semble être en contradiction avec les récits de sa conception. Si, comme le disent Matthieu et Luc, Jésus avait été conçu par le Saint-Esprit, ou si, comme le dit Jean, le Verbe divin, λόγος, s’était fait chair en lui dès le commencement, à quoi servait-il qu’au moment de son baptême, il reçût encore une influence particulière de l’Esprit saint, πνεῦμα ἅγιον ? Plusieurs interprètes modernes ont senti la difficulté, et essayé de la résoudre. L’explication de Olshausen[1] là-

  1. Bibl. Comm., 1, S. 171 f.