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de Noé, cette image secondaire de l’Esprit de Dieu, couvant comme une colombe l’eau primitive, est rattachée au Messie[1].

Mais justement ici la critique favorable au récit du quatrième évangile retrouve un point d’appui, et elle observe que plus, parmi les Juifs de ce temps, ce fut une idée courante de se représenter l’Esprit divin sous forme de colombe, plus on conçoit facilement comment Jean-Baptiste put, dans une vision prophétique, s’être figuré sous cette image la consécration messianique de Jésus[2]. Mais, indépendamment de ce qu’il faudrait admettre ici une illumination soudaine et miraculeuse de Jean-Baptiste, il reste impossible de concilier avec ses doutes subséquents une aussi forte assurance de la messianité de Jésus[3] ; et, si l’un des deux récits doit être considéré comme une fiction, il sera plus facile de comprendre que la fiction est du côté qui servait à fortifier la foi en Jésus que du côté qui présentait un doute contre lui.

D’après ce qui précède, les détails du baptême de Jésus ne sont pas historiques. Mais on se demandera alors s’il faut aussi considérer comme simplement mythique le baptême de Jésus par Jean. Fritzsche ne paraît pas éloigné d’admettre cette opinion, car il ne décide pas si les plus anciens chrétiens ont su historiquement ou s’ils ont pensé, conformément à leur attente messianique, que Jésus avait été con-


    Intelligitur spiritus regis Messiæ, de quo dicitur Jes., 11, 2 : et quiescet super illum Spiritus Domini.

  1. Sobar Numer. f. 68, col. 271 seq. (dans Schœttgen, Horæ, 2, p. 537 seq.) La signification de ce passage repose sur la conclusion cabalistique qui suit : Si David, d’après Ps. 52, 10, est l’olivier, le Messie, rejeton de David, est la feuille d’olivier ; s’il est dit de la colombe de Noé, Genes., 8, 11, qu’elle a apporté, dans son bec, une feuille d’olivier, le Messie sera introduit dans le monde par une colombe. — Il y a eu aussi des interprètes chrétiens qui ont comparé la colombe du baptême de Jésus à celle de Noé. Voyez Suicer, Thesaurus, 2, article περιστερά, p. 688 seq. — On a coutume de citer ici que les Samaritains ont rendu, sur Garizim, les honneurs divins à une colombe sous le nom d’Achima ; c’est une inculpation juive qui n’est provenue, sans doute, que d’une fausse interprétation faite à dessein. Voyez Stäudlin et Tzschirner’s Archiv für K. G., 1, 3, S. 66. Comparez 55, 59, 64 ; Lücke, 1, S. 367.
  2. Hoffmann, S. 309 ; Kern, S. 68.
  3. De Wette, Exeg, Handb., 1, 3, S. 30.