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beau se faire petit, il ne peut échapper à la difficulté de la situation qu’a créée le développement successif de l’histoire. S’il est purement littéraire, il ne manque pas d’être pénétré de notions métaphysiques qui se sont infiltrées dans les livres, dans les habitudes, dans les croyances de la société ; notions qui parlent de principes indépendants et toujours mal subordonnés. S’il est scientifique, c’est encore bien pis ; alors la subordination est impossible, et ce sont, au contraire, les récits théologiques que l’on soumet à toutes sortes de transactions afin qu’ils ne choquent pas des acquisitions devenues le patrimoine et la vraie croyance de la société moderne. Singulier état, qu’on me permette de le remarquer en passant, que celui d’une époque où la même tête, instruite à des écoles divergentes, renferme, tant bien que mal, des idées que rien ne peut concilier ! Ce n’est pas tout ; par un autre côté, l’enseignement, tel qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire une émanation plus ou moins modifiée de celui du moyen âge, enferme en soi une autre cause non moins funeste de dissolution ; il n’est pas universel. Et voyez, c’est par une même condition qu’il est à la fois et particulier et distinct de la religion ; car, s’il n’en était pas distinct, il serait universel comme elle. Or, le mal est grand d’avoir, comme on a, un enseignement multiple, l’un pour les classes supérieures et l’autre pour les classes inférieures de la société. À côté d’une distinction naturelle, inévitable, qui dépend des fonctions de chacun dans l’ordre social, on en crée ainsi une autre artificielle, évitable, qui dépend d’une répartition arbitraire d’un certain savoir ; on crée une double ignorance, une supérieure qui ne sait pas ce que c’est que la vie nécessairement laborieuse ; l’autre inférieure, qui ne sait pas comment se comporte le rôle des classes diri-