ôtent toute nécessité extérieure de supposer en lui un développement précoce du sentiment de sa messianité, on sera enclin à conclure que, lorsqu’il vint auprès de Jean-Baptiste pour se faire baptiser, il n’avait pas encore décidément la conviction d’être le Messie[1].
Mais, ici comme plus haut, à cette conclusion on oppose une puissante objection : Est-il possible, doit-on se demander, que celui qui, bientôt après, se reconnut Messie avec une clarté et une décision qui bravèrent les terreurs de la mort, est-il possible, disons-nous, que celui-là ait été dans le doute sur ce point jusqu’à son âge mûr, jusqu’à sa trentième année ? Une conscience aussi sûre d’elle-même que la conscience messianique de Jésus, et aussi puissante dans son action sur les autres, a-t-elle pu s’ajouter comme une découverte subséquente, à ce qu’il savait déjà sur lui-même, et n’a-t-elle pas dû bien plutôt croître et se développer dans la personnalité de Jésus et avec elle ; développement dans lequel le récit de la première visite de Jésus au Temple s’encadre, comme il a été déjà remarqué plus haut, de la manière la plus naturelle ?
Ce débat contradictoire trouve sa solution dans un renseignement que Justin nous a conservé : l’attente juive était que le Messie serait oint par l’Élie qui le précédait, et introduit de cette façon, au milieu de son peuple[2] ; Jésus put donc considérer le baptême de Jean comme cette onction, et s’y soumettre, justement en sa qualité de Messie. De même, Jean-Baptiste, d’après le quatrième évangile (1, 32 seq.), comptait que son baptême serait visité, non seulement par ceux qui attendaient le royaume messianique,
- ↑ Paulus, Exeg. Handb., 1, a, S. 362 ff., 367. Hase, Leben Jesu, § 48, erste Ausg.
- ↑ Dial. c. Tryph., 8 : « Le Christ (dit le juif Tryphon), sil est né et s’il est quelque part, est ignoré ; il ne se connaît pas lui-même, et il ne possède aucune puissance, jusqu’à ce que Élie, venant, l’oigne et le rende manifeste à tous. »
Χριστὸς δὲ εἰ καὶ γεγένηται, καὶ ἔστι που, ἄγνωστός ἐστι, καὶ οὐδὲ αὐτός πω ἑαυτὸν ἐπίσταται, οὐδὲ ἔχει δύναμίν τινα, μέχρις ἂν ἐλθὼν Ἠλίας χρίσῃ αὐτὸν καὶ φανερὸν πᾶσι ποιήσῃ.