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notre esprit, fait contradiction avec l’impeccabilité de Jésus, avait déjà eu lieu. On ne résout pas davantage la difficulté quand, par une distinction, on dit : Jésus n’a pas eu, il est vrai, besoin pour lui-même de la pénitence, mais il s’y est soumis afin de la représenter comme quelque chose d’indispensable pour tous les autres hommes, sans en excepter ses compatriotes, les descendants d’Abraham, et pour déclarer publiquement son approbation du baptême qui avait ce but[1] ; il n’en resterait pas moins sous l’imputation de s’être appliqué, en apparence, un acte qui réellement ne le touchait en rien. Mais quand, en supposant Jésus sans péché, on dit que le baptême ne le regardait pas, on n’est dans le vrai que tant qu’on se fait de l’absence de péché une idée qui transforme la possibilité de ne pas pécher, posse non peccare, en impossibilité de pécher, non posse peccare. Si Jésus était susceptible de pécher et s’il s’en abstenait constamment par l’effet de sa propre volonté, rien n’empêche qu’il n’ait pu se soumettre à un acte symbolique par lequel il se promettait de rester pur, comme les autres se promettaient de se purifier[2].

À peine sommes-nous délivré de cette difficulté, que la signification du baptême de Jean en suscite une autre. D’après le Nouveau Testament, c’était un baptême au nom de celui qui doit venir, εἰς τὸν ἐρχόμενον ; car, en s’y soumettant, on promettait de se préparer avec foi à l’arrivée du Messie. Or, si Jésus avait la conviction d’être lui-même celui qui devait venir, comment pouvait-il se laisser baptiser, et faire croire par là que, lui aussi, en attendait un autre ? Si donc, d’un côté, cela ne convient ni à sa moralité ni à sa prudence, et si, d’un autre côté, le caractère mythique de l’histoire de la naissance, et le peu de précision de la déclaration de Jésus dans sa douzième année, nous

  1. Kuinœl, Olshausen, sur ce passage.
  2. De Wette, Exeg. Handb., 1, 1, S.34.