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ractéristique a porté les interprètes à donner à sa narration la préférence sur celle de Matthieu[1]. Mais justement c’est dans ces décorations et ces changements de Marc que l’on croirait trouver la trace de la tradition légendaire, d’autant plus que Josèphe dit seulement du peuple : Ils dressaient l’oreille au bruit de ses discours, ἤρθησαν τῇ ἀκροάσει τῶν λόγων, et qu’il représente Hérode comme un homme qui, ayant conçu des craintes, juge plus convenable de faire périr Jean, δείσας κρεῖττον ἡγεῖται (τὸν Ἰωάννην) ἀναιρεῖν. Combien donc n’était-il pas facile d’imaginer un contraste qui devait grandir Jean-Baptiste, et de présenter le prince même contre lequel il avait parlé et qui l’avait fait arrêter pour la liberté de son langage, comme s’étant cru obligé, en conscience, de le respecter, et comme s’étant laissé arracher, à son grand regret, l’arrêt de mort par les artifices de sa femme vindicative ! Au reste, il n’y a rien d’incompatible avec le caractère d’Hérode-Antipas, qui aimait le repos, ἀγαπῶν τὴν ἡσυχίαν[2], à supposer qu’il désira se débarrasser de celui qui troublait sa tranquillité intérieure et extérieure.

La conclusion du récit évangélique laisse l’impression que la tête de Jean fut présentée pendant que le prince était encore à table ; par conséquent, sa prison aurait été dans le voisinage. Nous apprenons par le passage de Josèphe cité plus haut que Jean-Baptiste était emprisonné à Machærus, place forte située sur la frontière méridionale de la Pérée, tandis que la résidence d’Hérode était à Tibériade, ville éloignée de Machærus d’une journée de marche[3]. De Machærus à Tibériade, la tête de Jean ne pouvait être apportée qu’au bout de deux jours ; par conséquent elle ne put

  1. Par exemple, Schneckenburger, Ueber den Ursprung des ersten kanonischen Evangeliums, S. 86 f.
  2. Josèphe, Antiq., 16, 7, 2. Le ἐλυπήθη de Matthieu (v. 9) ne forme pas une contradiction de cet évangéliste avec lui-même. Comparez, sur ce point, Fritzsche dans le passage dont il s’agit ici.
  3. Comparez Fritzsche, Comm. in Matth., p. 491.