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quelle les notions primitives s’acquéraient peu à peu et par le labeur le plus soutenu. L’expérience est venue montrer les limites de l’esprit humain, comme les limites physiques du monde qu’il habite ; et de cette critique, la meilleure de toutes, à laquelle les siècles soumettent les idées, il est ressorti qu’aucune base ne nous permettait de nous élever aux questions d’origine et de fin. Mais, en détruisant ainsi les conceptions provisoires, l’histoire a, d’un autre côté, révélé peu à peu la compensation qui sera le partage des générations à venir. Entre cette origine inconnue et cette fin inconnue, double ignorance qui nous laisserait sans lumière spirituelle, sans joie profonde, sans attachement infini, vient se placer l’Humanité, qui nous arrache à notre triste et desséchante personnalité et nous ouvre un nouveau sanctuaire.

Par ce peu que je viens de dire, le dogme apparaît déjà en ses linéaments essentiels ; c’est, au fond, l’histoire de l’Humanité : comment l’Humanité, sommet et couronnement de l’organisation vivante, est soumise aux lois qui règlent cette organisation ; comment à son tour l’ensemble de la vie est dépendant de l’ensemble des phénomènes chimiques et physiques qui gouvernent le monde matériel ; comment ce globe lui-même fait partie d’un système plus considérable, soleil, planètes et comètes, qui, à son tour, est confondu dans la foule innombrable des étoiles ; comment, ainsi posée, faible et ignorante, en ce monde, qui est assez favorable pour lui permettre de vivre et de grandir et assez hostile pour la menacer de toute part, elle se fortifie et finit par porter dans l’obscurité des choses la lumière qui est en son esprit, et reconnaître l’identité de la vérité qui est en elle et de celle qui est dans l’extérieur, de la vérité subjective et objective ; com-