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Baptiste, mais que le jugement peu respectueux qu’il avait prononcé sur les souverains en fut présenté comme le motif ostensible[1]. Mais je doute beaucoup qu’Hérode eût mis, de propos délibéré, en lumière l’acte scandaleux que Jean-Baptiste avait flétri ; et, si l’on veut distinguer ici entre une cause secrète et une cause patente, le blâme du mariage aura été la cause secrète, et il faudra alors supposer que le bruit de la crainte d’un soulèvement fut répandu à dessein pour excuser le meurtre[2]. Au reste, on n’a pas même besoin de cette distinction ; Hérode-Antipas, justement à cause du blâme énergique jeté sur son mariage contraire à la loi et sur sa manière de vivre, a pu craindre que Jean-Baptiste n’excitât dans le peuple un soulèvement contre lui.

Les récits évangéliques présentent même une divergence entre eux. D’abord (mais cela n’est pas la divergence essentielle) Marc raconte avec les détails les plus étendus et les plus colorés la scène qui se passe pendant le repas de fête ; Luc, au contraire, se contente de l’annonce la plus brève (3, 18 — 20. 9, 9), et Matthieu tient le milieu entre eux deux. Mais le récit de Marc est essentiellement différent de celui de Matthieu relativement aux sentiments d’Hérode pour Jean-Baptiste. D’après Matthieu, Hérode désirait mettre à mort Jean-Baptiste ; mais il ne pouvait y parvenir, parce que le peuple, qui le considérait comme un prophète, était à craindre (v. 5). D’après Marc, c’est Hérodias seule qui en veut aux jours de Jean-Baptiste, mais qui ne peut atteindre son but, parce que son époux regardait ce dernier comme un saint personnage qu’il aimait à écouter dans l’occasion, et dont il suivit plus d’une fois les conseils (v. 19 seq.). Or, ce que le récit de Marc a d’individuel et de ca-

  1. Fritzsche, Comm. in Matth., sur ce passage. Winer, Bibl. Realw., 1, S. 694.
  2. C’est l’avis de Paulus, de Schleiermacher, Ueber den Lukas, S. 109 ; de Neander, L. J. Chr., S. 83.