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de ce royaume. Neander lui-même en convient en partie ; car, expliquant comment Jean-Baptiste resta en arrière du point de vue chrétien, il dit que Jean-Baptiste n’avait pas compris clairement que le Messie devait fonder son règne dans l’humanité, non par une puissance surnaturelle victorieuse de toute résistance, mais par la souffrance, et que ce règne ne se présenterait pas d’abord comme un règne extérieur, mais qu’il se développerait du dedans au dehors comme une manifestation spirituelle. Or, d’après le quatrième évangile, Jean-Baptiste avait reconnu avec précision et déclaré à diverses reprises que Jésus était le Messie souffrant, et il ne reste plus à Neander qu’à accuser Jean l’évangéliste d’avoir confondu son propre point de vue avec celui du précurseur, et d’avoir introduit dans les paroles de Jean-Baptiste un sens plus précis et plus élevé que celui qu’elles comportaient[1] ; alors nous ne pouvons plus savoir quelle portion des discours de Jean-Baptiste, relatée dans le quatrième évangile, conserve une garantie plus historique que le reste. Il est encore un autre point au sujet duquel Jésus met Jean-Baptiste après les membres du royaume messianique : c’est, comme on le voit en comparant le verset 18 avec Matthieu 9, 10 seq., son ascétisme, son esprit de pratiques extérieures, son attachement au jeûne et aux autres œuvres que Jésus désigne comme de vieilles outres, de vieux vêtements qui ne conviennent plus à la nouvelle alliance.

Finalement, il faut donner une revue des gradations par lesquelles des additions traditionnelles se sont de plus en plus jointes aux simples traits primordiaux du rapport historique qui a existé entre Jean-Baptiste et Jésus. Il est historique que Jésus, rempli, comme il l’était, de l’idée particulière qu’il avait du Messie, fut attiré par la renommée du baptême préparatoire de Jean-Baptiste, et qu’il s’y soumit,

  1. L.c., S. 78.