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thieu, verset 14), il assure que Jean est l’Élie promis comme le précurseur du Messie. Dans le premier passage des synoptiques, trois points sont à distinguer : le premier concerne la nature et le rôle de Jean ; sa fermeté, sa rigueur, son caractère élevé, sont vantés, vertus qu’il porte plus loin même que les prophètes, en tant qu’il est le précurseur messianique que Malachia a prédit, et qui doit ouvrir de vive force le royaume céleste (v. 7-14). Le second point établit le rapport de Jésus et des citoyens du royaume des cieux, βασιλεία τῶν οὐρανῶν, avec Jean-Baptiste, qui est reculé au second rang ; car, bien que placé au-dessus de tous les membres de l’économie de l’Ancien Testament, il ne vient cependant qu’après le plus petit de ceux qui ont part à la vie de la nouvelle alliance (v. 11). Le troisième point concerne la situation de Jean, comme de Jésus, vis-à-vis les contemporains ; des plaintes sont élevées (v. 16 seq.) sur leur indifférence pour l’un aussi bien que pour l’autre ; cependant il est remarqué (v. 12) que, depuis l’apparition de Jean-Baptiste, un zèle puissant s’est fait sentir pour le règne du Messie, et que plusieurs violents, βιασταί, cherchent à s’en frayer le chemin[1].

Le second point est le plus important des trois, et il faut dire avec Neander : Si Jean-Baptiste ne s’était pas formé du Messie et de son règne une idée plus claire et plus spirituelle que les prophètes, s’il n’avait pas signalé le Messie d’une façon plus immédiate qu’eux, Jésus ne l’aurait pas dit plus grand que tous les prophètes[2]. Mais, d’un autre côté, on pourra dire avec non moins de droit : Si Jean-Baptiste avait reconnu Jésus lui-même comme le Messie, avec fermeté, décision, et tout à fait dans le sens du Nouveau Testament, Jésus ne l’aurait pas exclu de son royaume, ne l’aurait pas placé après le dernier des citoyens

  1. Une explication différente se lit dans Schneckenburger, Beitræge, 8. 48 ff.
  2. Neander, L. J. Chr., S. 91.