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toire. Au moment même où cette grande lumière commence à se répandre parmi les hommes, commence aussi un nouveau sentiment, un nouvel amour qui fut ignoré des aïeux. Comme on voit, ce n’est pas une coïncidence fortuite. L’homme porte inné l’amour d’abord de sa tribu, puis de sa patrie, enfin de l’Humanité. Je me hâte en ces idées sommaires ; mais j’engage ceux qui réfléchissent aux problèmes historiques et sociaux à comparer ensemble, dans les mobiles et dans les effets, l’amour de l’Humanité et l’amour de la patrie ; ce sont deux sentiments qui s’échelonnent, et, historiquement, se supposent ; l’Humanité étant l’immense, éternelle et définitive patrie de tous les hommes. Et déjà, comme le souffle du matin qui précède le soleil, un esprit de justice et de charité, surtout dans les pays libres, se fait sentir ; une vie nouvelle commence à prévaloir ; l’aurore de mœurs nouvelles, de nouvelles opinions religieuses et politiques s’aperçoit de tous les côtés de l’horizon.

Je n’ai pas besoin de m’arrêter à faire voir que l’origine des choses ainsi que la fin, ou destination, sont complètement en dehors de toute recherche humaine. Nous ne savons ni ne saurons jamais rien sur ces problèmes désormais stériles qui font le fondement des théologies et qu’agitent les écoles métaphysiques : la création du monde au sein du néant ou son éternité, non plus que le but de l’existence soit de l’univers en général, soit en particulier des êtres vivants. Je dis désormais stérile, car on se méprendrait sur ma pensée si l’on supposait que j’accuse de stérilité ces spéculations dans les temps passés. Il fut dans l’histoire une période où elles étaient naturelles, inévitables, fécondes. Elles servaient de premier fondement, d’hypothèse spontanée, sur la-