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Jean-Baptiste) que ce dernier a baptisé au nom de celui qui vient, εἰς τὸν ἐρχόμενον, et ce Messie qui vient, que Jean-Baptiste a signalé, a été, ajoute Paul, Jésus lui-même (τουτέστιν εἰς Χριστὸν Ἰησοῦν). Cela était une interprétation des paroles de Jean-Baptiste d’après l’événement, Jésus s’étant fait reconnaître par un grand nombre de ses compatriotes comme le Messie que Jean avait annoncé. Alors combien ne fut-on pas près de penser que Jean-Baptiste lui-même, par celui qui vient, ἐρχόμενος, avait entendu la personne de Jésus, et qu’il avait dès lors conçu dans son esprit ce que Paul exprime explicitement par les mots rapportés plus haut ; opinion qui, quelque peu historique qu’elle fût, devait être d’autant plus attrayante pour les nouveaux chrétiens qu’il était plus désirable d’appuyer la considération de Jésus sur l’autorité de Jean-Baptiste, qui alors était si puissante dans le monde juif[1]. Il s’y joignait encore un motif pris dans l’Ancien Testament : l’ancêtre du Messie, David, avait également, selon l’ancienne légende hébraïque, une espèce de précurseur dans la personne de Samuel, qui, conformément aux ordres de Jéhovah, l’oignit roi d’Israël (1 Sam., 16), et qui, par la suite, resta aussi avec lui dans un rapport de témoignage. Si donc le Messie devait avoir un précurseur que, du reste, la prophétie de Malachia ca-

  1. Le quatrième évangéliste s’occupe particulièrement à mettre Jean-Baptiste dans un rapport plus favorable avec Jésus qu’on ne peut historiquement supposer qu’il fût. Cette préoccupation reçoit peut-être quelque éclaircissement par le passage cité plus haut des Actes des apôtres. D’après ce passage (v. 1 seq.), il se trouvait à Éphèse des gens qui ne connaissaient que le baptême de Jean, et qui, par conséquent, furent rebaptisés au nom de Jésus par l’apôtre Paul. Or, d’après une ancienne tradition, le quatrième évangile a été écrit à Ephèse (Iræneus, adv. hær. 3, 1) ; et nous pouvons l’admettre ; car, en indiquant une localité grecque comme le lieu où cet évangile a été rédigé, la tradition a certainement raison. Maintenant, conformément à l’allusion que renferment les Actes des apôtres, nous devons considérer Éphèse comme la résidence d’un certain nombre de disciples de Jean-Baptiste, qui, sans doute, n’auront pas été tous convertis par Paul. Le désir de les attirer à Jésus expliquerait l’importance particulière que le quatrième évangile met au témoignage de Jean, μαρτυρία Ἰωάννου. Ce point a déjà été remarqué et expliqué par Storr, Ueber den Zweck der evangelischen Geschichte und der Briefe Johannis, S. 5 ff., 24 f. Comparez aussi Hug, Einleitung in das N. T., 2, S. 190 f. 3te Ausg.