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concernant Jésus ; ils auront fait sur son esprit une impression messianique, et éveillé en lui l’espérance que Jésus allait décidément et prochainement se manifester comme Messie ; et, cette manifestation tardant de plus en plus, les doutes auront de nouveau surgi, et il aura adressé à Jésus la question dont il s’agit.

Cependant un tel message du fond de la prison peut-il se concevoir ? et, après avoir écarté la première des deux données opposées et réciproquement incompatibles, c’est-à-dire la connaissance antérieure, chez Jean, de la messianité de Jésus, pouvons-nous laisser tranquillement prendre place à la seconde, c’est-à-dire au message ? Cela n’est pas non plus sans difficulté. D’après Josèphe[1], c’était la crainte de troubles qui avait déterminé Hérode à faire arrêter Jean-Baptiste. Les évangélistes donnent une autre raison de cette arrestation ; mais, quand même celle que rapporte Josèphe n’aurait été que concomitante, il resterait toujours singulier que les disciples d’un homme emprisonné, parce qu’on voulait prévenir par son éloignement l’explosion d’une révolte parmi ses adhérents, eussent conservé un libre accès auprès de lui[2]. Matthieu est le seul qui dise que le message fut envoyé de la prison, δεσμωτήριον ; Luc, qui raconte aussi ce message, ne parle pas de prison : on pourrait donc, avec Schleiermacher, considérer le récit de Luc comme le véritable, et la prison, dans Matthieu, comme une addition non historique. Mais le même critique a montré d’une manière convaincante que le récit de Matthieu est le récit original, tandis que celui de Luc est remanié ; il serait donc étonnant que, sur ce seul point, le rapport eut été renversé. Il est plus naturel d’admettre que Luc, qui, dans tout le paragraphe, a le caractère d’un homme qui travaille de seconde main, a effacé la désignation de la localité que portait la

  1. Antiq., 18, 5, 2.
  2. Schleiermacher, Ueber den Lukas, S. 109.