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faute, non la leur[1] ; car, par la contradiction de son propre exemple, il rendait inefficaces les paroles par lesquelles il les adressait à Jésus. Nous trouvons le parti des disciples de Jean encore existant au temps de l’apôtre Paul (Act. Ap., 18, 24 seq. 19, 1 seq.) ; et, si ce que les Zabéens disent sur leur propre compte est vrai[2], cette secte dure encore aujourd’hui. Certainement, si l’on suppose que Jean a eu sur Jésus les convictions qui lui sont attribuées, il aurait été naturel qu’il se joignît à lui, ou du moins qu’il se retirât ; or, il ne s’est ni joint ni retiré, nous en concluons donc qu’il n’a pas eu ces convictions[3].

Le message n’empêchant d’admettre qu’une seule chose, c’est que Jean ait reconnu Jésus comme le Messie dans le sens élevé et épuré que le quatrième évangile lui attribue, la continuation du ministère de Jean-Baptiste, après le commencement du rôle public de Jésus, autorise à conclure qu’il ne l’a regardé en aucune façon comme le Messie, du moins pas avant son emprisonnement ; car, emprisonné, quand bien même il serait arrivé à reconnaître Jésus, il n’aurait plus pu se joindre à lui. Or, comme nous l’avons vu, une pareille reconnaissance est supposée par le message envoyé du fond de la prison et par la manière dont Jésus le reçoit. On dit donc : Jean captif aura entendu maints récits

  1. Neander, S. 75. Cet auteur (p. 61) prétend trouver, dans un passage des Actes des apôtres, une trace qui prouve que Jean-Baptiste adressa réellement ses disciples à Jésus, mais c’est à tort : il s’agit du passage où il est dit d’Apollos : Il enseignait exactement toutes les choses du Seigneur, ne connaissant que le baptême de Jean : Ἐδίδασκεν ἀκριϐῶς τὰ περὶ τοῦ Κυρίου, ἐπιστάμενος μόνον τὸ βάπτισμα Ἰωάννου. (Act. ap. 18, 24.) En effet, en comparant, avec ce passage, le chapitre suivant, on voit que Paul est obligé d’apprendre aux disciples de Jean que, par celui qui doit venir, ἐρχόμενος, au nom duquel Jean baptisait, il faut entendre Jésus. Il en résulte clairement que la doctrine du Seigneur, Κύριος, qu’Apollos, en sa simple qualité de disciple de Jean, savait déjà expliquer exactement, n’était que la doctrine messianique épurée par Jean, qui consistait dans l’attente d’un sauveur futur. Mais l’instruction qu’il reçut des chrétiens Aquila et Priscilla lui enseigna plus précisément que cette attente avait été accomplie dans la personne de Jésus.
  2. Voyez Gesenius, Probeheft der Ersch und Gruber’schen Encyclopædie, article Zabéens.
  3. Bretschneider, Probab., S. 46 f. Comparez Lücke, l. c, S. 493 f. ; De Wette, De morte Chr. expiatoria, Opusc. theol., p. 81 ; Bibl. dogm., § 209 ; Exeg. Handb., 1, 1, S. 107, 1, 3, S. 29.