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ait été préféré. Car confesser Jésus, comme le fait Jean-Baptiste lorsqu’il le nomme fils de Dieu, qui a été avant lui, υἱὸς τοῦ Θεοῦ ; exprimer des opinions aussi épurées sur l’économie messianique, par exemple lorsqu’il nomme Jésus l’agneau de Dieu qui prend le péché du monde, ὁ ἀμνὸς τοῦ Θεοῦ ὁ αἴρων τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου , tout cela a manqué à Pierre lui-même ; et cependant, non seulement Jésus l’admet dans le royaume céleste à cause de sa confession (Matth., 16, 16) mais encore il en fait la pierre sur laquelle ce royaume sera fondé. La difficulté de comprendre va encore plus loin. Jean, dans le quatrième évangile (1, 31), dit que le but de son baptême est de manifester Jésus comme Messie à Israël, ἵνα φανερωθῇ τῷ Ἰσραήλ, et il reconnaît, comme volonté de la Providence, qu’il doit décroître en face de Jésus croissant (3, 30). Cependant, tandis que Jésus fait déjà baptiser par ses apôtres, Jean continue aussi de baptiser de son côté (3, 23) ; or, pourquoi, s’il savait que par l’introduction de Jésus la destination de son baptême était atteinte, et s’il adressait ses disciples à Jésus comme au Messie (1, 36 seq.), pourquoi ne se joint-il pas lui-même à Jésus ? Jean avait, réplique Neander, son rôle déterminé : c’était, en qualité de dernier des prophètes, de signaler le Messie ; il ne lui était pas donné de s’élever au-dessus de ce point de vue, qui tenait surtout de l’Ancien Testament ; et le prophète, déjà mûri par un développement individuel, ne pouvait plus se rendre dans une école exigeant des hommes jeunes qui fussent dociles et dont l’esprit n’eût pas atteint toute sa maturité[1]. Soit ; s’il est avoué que Jean-Baptiste a été renfermé dans un horizon moins étendu, on se demandera : Cette limitation de ses idées ne lui a-t-elle interdit qu’un acte extérieur, celui de se joindre au Messie, et ne doit-elle pas bien plutôt l’avoir éloigné de l’acte intérieur par lequel il aurait reconnu Jésus pour le

  1. Neander, L. J. Chr., S. 74 f.