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avec Lücke, que Jean-Baptiste, sans rattacher à ces mots, comme l’évangéliste, l’idée du Verbe, λόγος, a songé, d’une façon plus conforme aux idées populaires des Juifs, à la préexistence du Messie, comme sujet des théophanies de l’Ancien Testament. Cette opinion juive a laissé des traces, outre le quatrième évangile, dans l’apôtre Paul (par exemple 1 Cor. 10, 4 ; Col. 1, 15. seq.), et dans les rabbins[1] ; et, en supposant qu’elle fut primitivement alexandrine, ce que Bretschneider a fait valoir contre notre passage[2], on demande si, dès avant le temps du Christ, la théologie alexandrino-judaïque n’avait pas exercé de l’influence sur la mère-patrie[3]. Par conséquent, il n’est point inconcevable en soi que ce caractère ait appartenu à l’idée que Jean-Baptiste se faisait du Messie.

Le second caractère serait celui d’une souffrance expiatoire. À la vérité, on a essayé d’expliquer les expressions avec lesquelles Jean-Baptiste (1, 29 et 36) adresse ses disciples à Jésus, de manière à faire disparaître cette idée d’expiation : Jésus, a-t-on dit, n’est comparé à un agneau qu’à cause de sa douceur et de sa patience ; prendre les péchés du monde, αἴρειν τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου, s’entend ou de la patience avec laquelle il a supporté la méchanceté du monde, ou d’une tentative pour enlever les péchés du monde en l’améliorant ; et les paroles de Jean-Baptiste expriment combien il est touchant de voir ce doux et tendre Jésus se soumettre à un rôle si dur et si pesant[4]. Mais les meilleurs interprètes ont montré que, si, à la vérité, prendre, αἴρειν, admettait une pareille explication, le mot agneau, ἀμνός, non seulement avec l’article,

  1. Voyez Bertholdt, Christologia Judæorum Jesu apostolorumque ætate, § 23-25.
  2. Probabilia, S. 41.
  3. Voyez Gfrörer, Philo und die alexandr. Theosophie, 2. Thl., depuis la page 280.
  4. Gabler, Meletem. in loc. Joh., l, 29, dans ses Opusc. acad., p. 514 seq. ; Paulus, Leben Jesu, 2, a, die Uebersetzung d. St. und Comm. zum Ev. Joh. z. d. St.