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croyance qui se forme, et non une croyance qui s’éteint. D’abord la réponse de Jésus s’y oppose, car il trouve que Jean se scandalise, σκανδαλίζεσθαι, c’est-à-dire qu’il doute ; ensuite, ce qui s’y oppose encore, c’est la demande même de Jean, qui, en ajoutant aux mots : Es-tu celui qui doit venir ? Σὺ εἶ ὁ ἐρχόμενος, les mots, ou bien en attendons-nous un autre ? ἢ ἕτερον προσδοκῶμεν  ; exprime évidemment une vacillation dans sa conviction ancienne[1]. À la vérité, quand nous supposons que le bruit des miracles a été la cause de la question dubitative de Jean, nous n’y sommes amené que par la narration de Luc ; or, cette narration, nous l’avons déjà reconnue comme étant de seconde main. Cet évangéliste, après avoir raconté la résurrection du jeune homme à Naïm et la guérison du serviteur à Capharnaüm, continue : Et les disciples de Jean lui annoncèrent toutes ces choses ; et ayant appelé…, il envoya, etc., καὶ ἀπήγγειλαν Ἰωάννῃ οἱ μαθηταὶ αὐτοῦ περὶ πάντων τούτων· καὶ προσκαλεσάμενος…, ἔπεμψε, κ. τ. λ. Dans ce mode de narrer, c’est à la nouvelle des miracles que Jean envoie son message à Jésus. Mais d’après Matthieu, ce sont les œuvres du Christ, ἔργα τοῦ Χριστοῦ, qui déterminent Jean à adresser sa question à Jésus ; et, par cette expression, il se pourrait que l’évangéliste est compris tout ce qui composait le rôle actif de Jésus.

Les paroles des évangélistes n’empêchent donc pas que Jean-Baptiste n’ait regardé précédemment, dans un sens quelconque, Jésus comme le Messie. Le fait du message n’a rien non plus qui ôte toute possibilité de concevoir que Jean ait eu, en effet, une semblable opinion. Jean, comme les synoptiques le rapportent, pouvait avoir attendu de Jésus la pleine effusion de l’esprit sur ses partisans, le triage du peuple et l’extermination des membres indignes, mais tout

  1. Comparez De Wette sur ce passage de Matthieu, et Neander, L. J. Chr., S. 87 f.