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sianique. Cependant, ici encore, la divergence des recits n’autorise pas à conclure que Jean-Baptiste lui-même ne s’est attribué aucun rapport avec le règne du Messie, et que c’est la légende chrétienne qui, la première, a imaginé ce rapport ; car son baptême, du moment qu’on ne le fait pas provenir du baptême juif des prosélytes, ne se conçoit pas très bien, si l’on ne veut pas songer à la lustration expiatoire du peuple que j’ai mentionnée plus haut, et qui était attendue pour le temps du Messie. L’historien Josèphe écarte toutes les idées messianiques qui ont pu s’attacher au rôle de Jean ; mais c’est chez lui une habitude qui s’explique par la situation de son peuple à l’égard des Romains. Au reste, les mots qu’il emploie, se réunir pour le baptême, βαπτισμῷ συνιέναι, les réunions d’hommes, συστρέφεσθαι, et la crainte qu’Antipas a d’une révolte, ἀπόστασις, provoquée par Jean, ce dont Josèphe parle plus loin, tout cela indique une association religieuse et politique telle que des espérances messianiques étaient capables de la susciter.

Il y aurait lieu de s’étonner que Jean-Baptiste eût déclaré avec tant de précision que réellement le règne du Messie était voisin ; et, sans s’arrêter à Luc, qui s’en réfère à une révélation et à un appel de la divinité, on pourrait se laisser aller à supposer que peut-être le narrateur chrétien, voyant qu’en effet celui qu’il regardait comme le Messie s’était manifesté immédiatement après, donna au langage de Jean-Baptiste une précision qui n’y était pas dans l’origine ; on pourrait supposer que Jean-Baptiste dit seulement, en conformité avec l’opinion juive citée plus haut, repentez-vous, afin que vienne le règne des cieux, μετανοεῖτε, ἵνα ἔλθῃ ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν, et que c’est la narration postérieure qui a changé, afin que, ἵνα, en car, γάρ. Mais une supposition pareille n’est pas nécessaire ; avec un esprit aussi excitable que le sien, Jean a pu aisément, à l’époque agitée où il a vécu, croire découvrir des signes qui lui paraissaient