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port synchronique avec cette quinzième année. On a donc supposé que Luc parlait ici d’un descendant de cet ancien Lysanias, d’un Lysanias postérieur qui avait possédé le territoire de l’Abilène sous Tibère, mais dont Josèphe n’avait point fait mention à cause de sa moindre renommée[1]. À la vérité, on ne peut pas prouver ce que Süskind demande pour que cette explication soit réfutée, à savoir, que Josèphe aurait nécessairement parlé de ce Lysanias postérieur si un tel personnage avait existé ; pourtant il faut dire que cet historien a eu plus d’une occasion de le faire, et c’est ce que Paulus a montré d’une manière satisfaisante. Par exemple, lorsque Josèphe, venant aux temps du premier et du second Agrippa, désigne Abila comme l’Abila de Lysanias, ἡ Λυσανίου, il aurait dû au moins se souvenir, à ce propos, qu’il n’avait parlé que du premier Lysanias et qu’il n’avait encore rien dit du second dont l’Abilène tenait le surnom qu’elle portait, attendu que ce prince la possédait alors[2]. Si donc le second Lysanias n’est pas autre chose qu’une fiction historique, ce qu’on a proposé en place[3] n’est pas non plus autre chose qu’une fiction philologique. Il est dit, en effet, d’abord : Philippe… étant tétrarque de l’Iturée, Φιλίππου… τετραρχοῦντος τῆς Ἰτουραίας κ. τ. λ. ; puis il est dit ensuite : et Lysanias étant tétrarque de l’Atabilène,

  1. Süskind, Vermischte Aufsätze, S. 15 ff., 93 ff.
  2. Tholuck pense avoir trouvé dans Tacite un exemple tout à fait correspondant. Cet historien (Ann. 2, 42) rapporte la mort d’un roi des Cappadociens, Archélaüs (an de Jésus-Christ 17), et cependant (Ann. 6, 41) il parle de nouveau d’un Archélaüs, Cappadocien, comme souverain des Clites (an de Jésus-Christ 36). Il faudrait donc ici, dit Tholuck, faire la même conjecture historique, à savoir : qu’il y a eu deux Archélaüs Cappadociens (S. 203 f.). Mais, quand le même historien, après avoir consigné la mort d’un homme, parle plus tard d’un autre qui porte le même nom, et lui donne même une position différente, ce n’est pas une conjecture, c’est un fait clairement historique, qu’il y a eu en effet deux personnages. Il en est tout autrement du cas de Lysanias. Deux écrivains différents nomment chacun uu Lysanias, et le mettent à deux époques distinctes. C’est donc une conjecture que d’admettre qu’il y a eu deux Lysanias ; conjecture d’autant moins historique, qu’il est plus manifestement invraisemblable que l’un des deux écrivains eût gardé le silence sur le second Lysanias, si dans le fait il y en avait eu un.
  3. Michaelis, Paulus, sur ce passage ; Schneckenburger, dans Ullmann’s und Umbreit’s Studien, 1833, 4. Heft, S. 1056 ff. ; Tholuck, S. 201 ff.