Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secte[1]. Mais cet accord contre les aberrations des Pharisiens est purement négatif, et il part, chez Jésus, d’un tout autre principe que chez les Saducéens. Il est d’ailleurs mis complètement dans l’ombre par le contraste que la disposition de Jésus et sa manière d’envisager le monde forment avec leur froideur religieuse et leur incrédulité à l’immortalité de l’âme et à l’existence des esprits. Il est vrai qu’une polémique contre les Saducéens ne se manifeste pas dans les évangiles, mais il est facile de s’en rendre raison : cette secte exerçait peu d’influences sur les cercles avec lesquels Jésus était immédiatement en contact ; elle avait ses partisans dans les rangs élevés de la société[2].

Une seule des sectes juives alors existantes peut faire naître sérieusement la question de savoir s’il ne faut pas lui attribuer une influence décisive sur le développement de Jésus et sur son apparition : c’est la secte des Esséniens[3]. Dans le siècle dernier, on aimait beaucoup à dériver le christianisme de l’essénisme ; non seulement des déistes anglais, et, parmi les Allemands, Bahrdt et Venturini, mais encore des théologiens comme Stæudlin, partagèrent cette opinion[4]. À l’époque de la franc-maçonnerie et des ordres secrets, on se complaisait à ranger aussi dans cette catégorie le plus ancien christianisme. En même temps, rien ne semblait plus propre que le mystère d’une loge essénienne pour expliquer la disparition soudaine de Jésus après les scènes brillantes de son enfance et de sa jeunesse, et, plus tard, après sa résurrection. De même encore, outre le précurseur Jean-Baptiste, on considéra comme des membres de la confrérie essénienne les deux hommes qui parurent

  1. Par exemple, Des Côtes, Schutzschrift für Jesus von Nazaret, S. 128 ff.
  2. Neander, L. J. Ch., S. 39 ff.
  3. Voyez Josèphe, B. j. 2, 8, 2-13. Antiq. 18, 1, 5. Comparez Philon : Quod omnis probus liber, et son livre De vita contemplativa.
  4. Cette opinion est développée avec réflexion dans Stræudlin, Geschichte der Sittenlehre Jesu, 1, S. 570 ff., et d’une manière romanesque dans l’Histoire du grand prophète de Nazareth, 1er volume.