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une habileté et une sagesse tout humaine ; ce n’était pas la forme que l’imputation devait prendre alors, et dans ce temps et sur ce sujet il ne pouvait être question de l’influence naturelle que les hommes exercent les uns sur les autres ; mais à une influence divine et surnaturelle on opposa une influence monstrueuse et démoniaque, et l’on reprocha à Jésus d’avoir appris la magie dans sa jeunesse pour opérer ses miracles. De très bonne heure, on rattacha cette inculpation au voyage de ses parents en Égypte, cette ancienne patrie de la magie et des sciences occultes, et on la trouve, en effet, sous cette forme, aussi bien dans Celse que dans le Talmud. Celse fait dire entre autres choses à un Juif que Jésus s’était mis au service pour un salaire dans l’Égypte, qu’il avait su y apprendre quelques artifices de sorcellerie, et qu’à son retour il s’était orgueilleusement donné pour un dieu[1]. Le Talmud en fait l’élève d’un membre du Sanhédrin juif, et suppose qu’il voyagea en Égypte avec cet homme, et qu’il en rapporta, en Palestine, des formules de magie[2].

L’explication purement naturelle du développement intellectuel de Jésus ne pouvait être conçue que dans les temps modernes. Maintenant, Jésus s’est-il formé exclusivement sur l’un des éléments que fournissait son époque, ou est-il le produit de l’action simultanée de tous ces éléments ? Tient-on, en face de ces actions extérieures, compte des dispositions intérieures et de la vocation spontanée de

  1. Orig., C. Cels., 1, 28 : Καὶ (λέγει) ὅτι οὗτος (ὁ Ἰησοῦς) διὰ πενιαν εἰς Αἴγυπτον μισθαρνήσας, κἀκεῖ δυνάμεών τινων πειραθεὶς, ἐφ’ αἷς Αἰγύπτιοι σεμνύνονται, ἐπανῆλθεν, ἐν ταῖς δυνάμεσι μέγα φρονῶν, καὶ δι’ αὐτὰς θεὸν αὑτὸν ἀνηγόρευσε.
  2. Sanhedr. f. 107, 2 : — R. Josua f. Perachja et ויש (Jesus) Alexandriam Ægypti profecti sunt… ויש (Jesus) ex illo tempore magiam exercuit, et Israelitas ad pessima quævis perduxit. C’est un anachronisme considérable ; car ce Josua Ben Perachja a vécu un siècle auparavant. Voyez Jost, Geschichte der Isr., 2, S. 80 ff. u. 142 der Anhænge. Schabbath, f. 104, 2 : Traditio est, R. Elieserem dixisse ad viros doctos : Annon f. Satdæ (id est Jesus) magiam ex AEgypto adduxit per incisionem in carne sua factam ? Voyez Schœttgen, Horæ, 2, p. 697 seq. ; Eisenmenger, Entdecktes Judenthum, 1, S. 149 f.