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queuse de Libanius au sujet du fils du charpentier, question à laquelle l’événement seul a donné une réponse tellement accablante[1]. À la vérité, une objection est possible, c’est que, pour admettre que Jésus fit œuvres de charpentier, τεκτονικὰ ἔργα, on semble n’avoir qu’une simple conclusion du métier du père au métier du fils, lequel avait fort bien pu apprendre un autre état ; peut-être même tout ce qui a été dit sur le métier de Jésus et de Joseph provient-il de cette signification symbolique que Justin a attachée à l’ouvrage de leurs mains. Cependant la qualification de charpentier donnée à Joseph dans nos évangiles est sèche et brève ; nulle part elle n’est employée, dans le Nouveau Testament, d’une façon allégorique ; elle n’y est non plus l’objet d’aucun détail plus précis. On ne peut donc pas contester que Joseph n’ait été charpentier ; quant à Jésus, on restera indécis sur la question de savoir s’il a ou n’a pas été de ce métier.

Dans quel état de fortune Jésus et ses parents se sont-ils trouvés ? Beaucoup de dissertations ont été consacrées à cet objet. Des théologiens orthodoxes ont soutenu que Jésus avait vécu dans une pauvreté profonde, et ils l’ont soutenu par des motifs dogmatiques et esthétiques : d’une part, on voulait avoir, même en ce point, le status exinanitionis, et d’autre part on voulait rendre tout à fait frappant le contraste entre la forme de Dieu, μορφὴ Θεοῦ, et la forme d’esclave, μορφὴ δούλου. L’opposition qu’exprime l’apôtre Paul (Phil. 2, 6 seq.), et le terme dont il se sert en disant que le Christ fut mendiant, ἐπτώχευσε (2 Cor. 8, 9), caractérisent seulement la vie obscure et pénible à laquelle il se soumit après sa préexistence céleste et au lieu de prendre le rôle de roi attribué au Messie par l’imagination des Juifs ; c’est un point qu’on peut encore regarder comme

  1. Theodoret. H. E. 3, 23.