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la réalité actuelle joue le rôle essentiel, telle qu’est, par exemple, la vocation de l’homme d’État, du général, du réformateur religieux, et par conséquent aussi du Messie, peut difficilement s’être jamais fait sentir d’aussi bonne heure chez l’homme même le plus heureusement né ; car elle exige la connaissance des circonstances contemporaines, connaissance qu’une observation prolongée et une expérience mûrie sont seules en état de donner. Cependant il faut ici faire une distinction : autre est la conscience de la vocation, conscience qui en embrasse, dans une claire réflexion, toutes les conditions, et qui ne peut être, en effet, que le fruit d’un âge plus avancé ; autre est le simple pressentiment immédiat qui dévoile, par des signes caractéristiques, quelquefois de très bonne heure, le germe essentiel de la vocation future et la force qui un jour le développera. Or, ce que l’enfant Jésus nous fait entendre ici n’est pas autre chose que ce simple prélude de l’âme ; encore loin de tout rapport plus précis avec la religion mosaïque, avec les prophètes, avec la hiérarchie, avec les sectes, avec les païens, etc., le sentiment intime qu’il a Dieu pour père, et qu’il est avec lui dans une communication intérieure d’esprit et de cœur, est le germe le plus naturel d’où, plus tard et avec plus de développement, devait sortir en Jésus la conscience de sa position messianique[1].

Il est dit, immédiatement après (v. 50), des parents de Jésus, qu’ils ne comprirent pas cette expression. Dans toute autre manière que la nôtre de concevoir l’histoire des premières années de Jésus, cela doit paraître fort surprenant, car l’ange annonciateur avait appris à Marie (Luc, 1, 32, 35) que son fils serait appelé, au sens propre, fils de Dieu, υἱὸς Θεοῦ ; et cette annonciation d’une part, de l’autre l’accueil brillant que l’enfant avait reçu lors de sa première présentation dans le Temple, pouvaient leur indiquer qu’il aurait

  1. Comparez Neander, L. J. Ch., S. 37 f.