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aient fait asseoir auprès d’eux l’enfant remarquable, on aurait ici, au plus, une expression exagérée, employée par le narrateur, laquelle ne prouverait rien contre la vérité intrinsèque de son récit.

Ici le narrateur place le reproche que la mère de Jésus adresse à son fils retrouvé, en lui demandant pourquoi il n’a pas épargné à ses parents les mortelles inquiétudes de cette recherche ; à quoi il répond (et cette réponse est, à vrai dire, le but de toute l’histoire) qu’ils auraient pu savoir qu’il ne fallait le chercher nulle part ailleurs que dans la maison de son père, dans le Temple (v. 48, seq.). Cette désignation de Dieu comme père, τοῦ πατρός, pourrait être prise d’une manière indéterminée, et signifier que Dieu est le père de tous les hommes, et par conséquent le sien. Mais on ne peut l’entendre ainsi, car le mot de moi, μου, empêche cette interprétation, puisque en ce sens on devrait attendre de nous, ἡμῶν, comme dans Matthieu, 6, 9 ; et ce qui l’empêche surtout, c’est que les parents de Jésus ne comprennent pas ce discours (v. 50) ; circonstance qui indique positivement que cette expression doit avoir un sens particulier. Or, ce sens ne peut être ici que le mystère de la messianité de Jésus, qui, en qualité de Messie, était fils de Dieu, υἱὸς Θεοῦ, dans une acception spéciale. Mais Jésus a-t-il commencé à avoir, dès sa douzième année, la conscience de sa qualité messianique ? Cela pourrait paraître douteux de notre point de vue, à nous qui, ayant démontré le caractère purement mythique des récits de la naissance et de l’enfance, avons retranché toutes les causes externes, tant naturelles que surnaturelles, capables d’éveiller cette conscience dans l’enfant Jésus. Dira-t-on qu’une vocation particulière, comme, par exemple, celle d’un poëte ou d’un artiste, dépendant uniquement de dispositions internes qui se font sentir de bonne heure, peut se manifester très précocement ? Mais une vocation qui s’applique aux affaires du monde, et dans laquelle