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scrupules ; car, d’après ce que les Juifs nous ont appris, ce ne fut qu’après la mort du rabbin Gamaliel, mort arrivée longtemps après, que les élèves des rabbins prirent l’habitude de s’asseoir ; jusque-là, ils avaient été astreints à se tenir debout[1] : mais cette tradition juive est douteuse[2]. On a encore trouvé surprenant que Jésus ne fût pas seulement auditeur, ἀκούων, mais qu’il prît aussi la parole pour interroger, ἐπερωτῶν, et qu’il parût se comporter à l’égard des docteurs comme leur maître. À la vérité, c’est ce rôle que lui attribuent les évangiles apocryphes, d’après lesquels Jésus, dès avant l’âge de douze ans, embarrasse tous les docteurs par ses questions, et découvre à celui qui lui apprenait l’alphabet, la signification mystique des lettres ; selon ces mêmes apocryphes, dans la visite du Temple, il met en discussion des questions controversées, telles que celle sur le Messie à la fois fils et seigneur de David (Matthieu, 22, 41, seq.), et aussitôt il résout toutes les difficultés[3]. Sans doute, si les mots interroger et répondre, ἐρωτᾷν, ἀποκρίνεσθαι, devaient s’entendre comme si Jésus jouait dans cette scène le rôle de docteur, il nous faudrait, à cause d’une particularité si peu naturelle[4], suspecter le récit évangélique. Mais rien ne nous oblige à comprendre ainsi ces expressions ; car, d’après la coutume juive, l’enseignement rabbinique était de telle sorte que non seulement les maîtres interrogeaient les élèves, mais encore les élèves interrogeaient les maîtres quand ils avaient besoin d’explication sur quelques points[5]. Ici donc, nous pouvons admettre avec d’autant plus de vraisemblance des questions convenables à un enfant, que notre texte, non sans inten-

  1. Megillah, f. 21, dans Lightfoot, sur ce passage.
  2. Voyez, dans Kuinœl, in Luc., p. 353.
  3. Evangel. Thomæ, c. 6, seq ; dans Thilo, p. 288 seq. ; et Evang. infant. arab., c. 48 seq., p. 123 seq., dans Thilo.
  4. Olshausen regarde aussi cette particularité comme peu naturelle.
  5. Voyez les preuves (p. ex. Hieros. Taanith, 67, 4) dans Wetstein et Lightfoot, sur ce passage.)