Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont de vrai ? Du fait qu’ils trouvèrent établi, que Jésus avait toujours passé pour Nazaréen. D’où vient enfin l’inégale proportion du vrai et du faux qui se voit dans tous les deux, et la prédominance que le faux a dans le récit de Matthieu ? De la différente manière dont l’un et l’autre ont rattaché leurs récits aux prémisses établies plus haut. Deux points étaient à concilier : un fait historique, à savoir, que Jésus était connu comme Nazaréen, et une exigence prophétique d’après laquelle, comme Messie, il devait être né à Bethléem. Matthieu, ou plutôt la légende qu’il suivit, en raison de la tendance prédominante que l’on remarque dans cet évangile à appliquer les prophéties, présenta la conciliation de manière que la prophétie qui indiquait Bethléem l’emporta, que cette ville fut considérée comme le séjour primitif des parents de Jésus, et Nazareth comme un asile où ils ne furent conduits que par la marche ultérieure des choses. Au contraire, Luc, plus fidèle à recueillir les faits historiques, adoptant une modification de la légende ou modifiant lui-même la légende, mit l’importance prépondérante du côté de Nazareth, que lui donnait l’histoire ; il en fit le domicile primitif des parents de Jésus, et leur séjour à Bethléem ne fut considéré que comme une résidence temporaire occasionnée par une circonstance fortuite.

Les choses étant ainsi, personne ne voudra ni laisser indécise avec Schleiermacher[1] la question de savoir dans quel rapport les deux récits sont avec le fait réel, ni, avec Sieffert[2], se décider exclusivement pour Luc[3].

  1. Ueber den Lukas, S. 49. Une semblable hésitation se voit dans Theile, Zur Biographie Jesu, S. 15.
  2. Ueber den Ursprung, u. s. w., S. 68 f. u. S. 138.
  3. Comparez Ammon, Fortbildung, 1, S. 174 ff. ; De Wette, Exeg. Handb., 1, 2, S. 24 f. ; George, S. 84 ff. C’est un fait que différents narrateurs essaient différentes explications d’une même donnée et qu’ensuite les explications sont souvent réunies dans un seul et même livre. On en peut rapporter une foule d’exemples pris dans l’Ancien Testament. Ainsi la Genèse donne trois dérivations du nom d’Isaac, comme il a été remarqué plus haut, p. 191 ; deux du nom de Jacob (25, 26 ; 27, 16) ; deux des noms d’Edom (25, 25 ; 25, 30) et de Bersaba (21, 31 ; 26, 33). Comparez De Wette, Kritik der mos. Gesch., S. 110 ; 118 ff., et mes Écrits polémiques, 1, 1, S. 83 ff.