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nous n’avons aucun motif historique d’admettre qu’ils aient changé de domicile, de sorte qu’une des deux assertions contradictoires a toute la solidité que l’on peut attendre de faits d’une antiquité si reculée et si obscure.

Cependant l’autre proposition, à savoir, que Jésus est né à Bethléem, ne repose pas seulement sur le premier chapitre de l’évangile, mais elle repose aussi sur une attente qu’autorise le passage d’une prophétie d’après laquelle le Messie naîtra à Bethléem (comparez le passage avec Matthieu, 2, 5 et suiv., Joh., 7, 42) ; mais cela même est un appui dangereux dont se passerait volontiers celui qui veut conserver comme un fait historique la naissance de Jésus à Bethléem ; car, lorsque la relation de l’accomplissement d’un événement est précédée d’une longue attente de ce même événement, on est naturellement porté à soupçonner que le récit où l’on dit que la chose attendue est arrivée doit sa naissance à la croyance où l’on était que cette chose même arriverait. À plus forte raison, le soupçon serait-il justifié si cette attente était mal fondée ; or, c’est ici le cas, car l’événement devrait avoir confirmé une fausse explication d’une prophétie. Ainsi ce fondement prophétique sur lequel on établit que Jésus est né à Bethléem ôte toute sa force au fondement historique qui pourrait se trouver dans le chapitre deuxième de Matthieu et de Luc, car le renseignement donné par les deux évangélistes, reposant sur l’explication de la prophétie, tombe avec elle. À part les deux motifs indiqués, on en cherche vainement un autre qui autorise à placer la naissance de Jésus à Bethléem ; nulle part ailleurs il n’est question, dans le Nouveau Testament, de la naissance de Jésus dans cette ville ; nulle part on ne trouve trace d’un rapport quelconque de Jésus avec ce lieu prétendu de sa naissance, et il ne fait pas même à Bethléem l’honneur de la visiter, honneur qu’il ne refuse pas à l’indigne Nazareth ; nulle part il n’invoque le fait de sa nais-