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but saint et suprême ; à nous, l’Humanité est l’idéal en qui et par qui nous vivons, qui s’enfonce dans l’immensité du passé et de l’avenir, qui assujettit le globe terrestre, amasse et transmet les trésors de savoir et de morale, éclairant et perfectionnant par un héritage éternel les hommes successifs.

Nous dépendons d’elle. Voyez, en effet, le peu que nous sommes par nous-mêmes. Tout ce que nous savons, tout ce que nous pouvons, tout ce que nous sentons est puisé à un trésor commun que nous recevons gratuitement, et, en même temps, déterminé de la façon la plus impérative par l’ensemble de l’immense existence qui nous domine. L’Humanité, comme l’a dit avec tant de grandeur M. Comte, est composée de plus de morts que de vivants, et l’empire des morts sur les vivants croît de siècle en siècle : sainte et touchante influence qui se fait sentir de plus en plus au cœur à mesure qu’elle subjugue l’esprit.

En retour (et c’est la plus noble, la plus précieuse prérogative de l’homme individuel), en retour il peut la servir et contribuer à sa grandeur et à sa gloire. Elle n’est pas telle, en effet, qu’on ne conçoive en elle ni accroissement ni perfectionnement, de sorte que tous nos efforts viennent expirer au pied d’un trône inaccessible qui n’a nul besoin de nous. Elle a besoin de nous tous ; il faut que chaque génération qui passe, si elle veut avoir fait son devoir et rempli sa tâche, laisse le cœur amélioré, l’intelligence illuminée, l’art enrichi de beautés merveilleuses, le monde davantage dompté et cultivé ; et, dans chaque génération, il faut que l’individu le plus humble comme le plus heureusement doué ait apporté au fond commun son contingent de moralité et de travail.

En cet échange sanctifiant entre l’humanité im-