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ment domicilié dans cette ville. Enfin, Matthieu n’indiquant comme motif de l’établissement à Nazareth que la crainte d’Archélaüs (et la perspective de l’accomplissement d’une prophétie), ne peut supposer une résidence originaire à Nazareth, car cette résidence originaire aurait été un motif décisif pour que Joseph y retournât, et il n’en aurait pas fallu d’autre pour l’y déterminer.

Ainsi la difficulté d’une conciliation de Matthieu et de Luc gît en ceci, que l’on ne peut comprendre comment les parents de Jésus, revenant d’Égypte, purent songer à aller de nouveau à Bethléem, si Bethléem n’était pas le lieu de leur résidence primitive. En conséquence, les efforts des commentateurs se sont surtout appliqués à imaginer des motifs qui aient pu produire, en Joseph et Marie, le désir de retourner dans cette ville. On rencontre, de très bonne heure, des tentatives de ce genre. Justin, martyr, se rattachant à Luc, qui, tout en signalant positivement Nazareth comme le domicile des parents de Jésus, ne suppose pas cependant que la ville de Bethléem soit complètement étrangère à Joseph et en fait le lieu d’origine de sa tribu, Justin, disons-nous, paraît indiquer Nazareth comme la résidence, et Bethléem comme le lieu de la naissance de Joseph[1] ; et Credner croit trouver dans ce passage de Justin la source et la conciliation des divergences de nos deux évangélistes[2]. Mais d’abord ils ne sont nullement conciliés par là ; car si Nazareth reste toujours le lieu où Joseph avait sa maison, on ne voit aucun motif qui ait pu lui suggérer tout d’un coup, lors de son retour d’Égypte, l’idée de changer le lieu

  1. Dial. c. Tryph., 78 : « Joseph vint de Nazareth, où il demeurait, à Bethléem, d’où il était, pour se faire recenser, ἀνεληλύθει (Ἰωσὴφ) ἀπὸ Ναζαρέτ, ἔνθα ᾤκει, εἰς Βηθλεέμ, ὅθεν ἦν, ἀπογράψασθαι. » Cependant on pourrait entendre les mots d’où il était, ὅθεν ἦν, comme désignant seulement le lieu de sa tribu, surtout si l’on réfléchit à l’addition de Justin : Car sa race était de la tribu de Juda, qui habite cette terre, ἀπὸ γὰρ τῆς κατοικούσης τὴν γῆν ἐκείνην φυλῆς Ἰούδα τὸ γένος ἦν.
  2. Beitræge zur Einleit. in das N. T. 1, S. 217. Comparez Hoffmann, S. 238, f., 277 f.