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se montra fils de Dieu par des paroles et des actions puissantes, celui-là, certainement, même avant de parler et de se mouvoir librement, a porté le sceau de la divinité. De plus, si des hommes, poussés par l’esprit de Dieu, ont serré de si bonne heure Jésus dans leurs bras avec amour et respect, l’esprit qui l’anima n’était pas, comme on le lui reprochait, un esprit impur ; et, si un prophète pieux a prédit, comme suite de sa haute vocation, les combats qu’il aurait à soutenir, et la douleur que son destin causerait à sa mère[1], ce n’était certainement pas le hasard, mais c’était un plan divin qui le conduisait par cet abîme d’abaissement sur le chemin de son élévation.

Cette explication résulte donc, positivement de la chose elle-même, négativement des difficultés que les autres explications présentent ; et l’on doit s’étonner que Schleiermacher l’ait combattue, en disant que ce récit est trop naturel pour avoir été inventé[2] ; observation qui ne l’a pas empêché d’adopter une semblable explication pour l’histoire de la naissance de Jean-Baptiste. On doit s’étonner de même que Neander, en raison d’idées exagérées, prétende, contre la même explication, que le mythe aurait orné le récit en question de détails bien plus magnifiques. Bien loin, dit Neander, de raconter simplement pour la mère de Jésus une purification, et pour Jésus lui-même une rédemption, le mythe aurait intercalé une apparition angélique ou un avertissement céleste par lequel Marie ou les prêtres auraient été détournés d’un acte contradictoire avec la dignité de Jésus[3] ; comme si le christianisme de l’apôtre Paul, et à bien plus forte raison le judéo-christianisme d’où provien-

  1. Comparez, avec les paroles adressées par Siméon à Marie ; Καὶ σοῦ δὲ αὐτῆς τὴν ψυχὴν διελεύσεται ῥομφαία (v. 35), comparez les paroles du psaume messianique de malheur, v. 21 : ῥῦσαι ἀπὸ ῥομφαίας τὴν ψυχήν μου.
  2. Schleiermacher, über den Lukas, S. 37. Comparez contradictoirement les observations présentées dans le § xviii et les auteurs cités, p. 146, note 4.
  3. Neander fait ici (S. 24 f.), des amplifications apocryphes, comme plus haut des ornements poétiques, le caractère du mythe. L’un est aussi erroné que l’autre.