Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Matthieu pour un ange, il était facile de réunir cette étoile avec l’ange dont Luc parle, de telle sorte que l’ange apparu aux bergers de Bethléem dans la nuit de la naissance de Jésus aurait été pris dans le lointain, par les mages, pour une étoile placée au-dessus de la Judée[1] ; ainsi les deux récits seraient vrais sur le point essentiel. Dans ces derniers temps, on a supposé qu’un seul des deux récits était véritable, et que c’était celui de Luc ; on a représenté celui de Matthieu comme une refonte de l’autre, ornée et embellie. On prétend que l’ange avec la splendeur céleste dont Luc parle est devenu une étoile dans la tradition transformée recueillie par Matthieu, attendu que les idées d’anges et d’étoiles se confondaient dans la haute théologie des Juifs ; la même tradition a changé les bergers en sages de sang royal, attendu que, dans l’antiquité, les rois s’appelaient les pasteurs des peuples[2]. Cette dérivation serait, en elle-même, invraisemblable à cause de son caractère artificiel, quand bien même il serait vrai, ce qui est ici supposé, que les récits de Luc portent le cachet de la vérité historique ; mais nous pensons avoir démontré le contraire, par conséquent nous avons sous les yeux deux récits qui ne sont pas plus historiques l’un que l’autre. Ainsi tout motif manque de faire sortir, par une interprétation forcée, le récit de Matthieu de celui de Luc, et de préférer cette interprétation à celle qui tire le premier, avec tant de simplicité, des passages de l’Ancien Testament et des opinions juives. Donc, ces deux descriptions de la première introduction de Jésus sont deux modifications du même thème, mais qui n’ont exercé l’une sur l’autre aucune influence immédiate.


  1. Lightfoot, Horæ, p. 202.
  2. Schneckenburger, über den Ursprung des ersten kanonischen Evangeliums, S. 69 ff.