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rée : des peuples et des rois marcheront dans la lumière levée sur Jérusalem, a pu aisément, plus tard, être entendue au sens propre selon l’esprit des rabbins. L’étoile ne conduit pas directement les mages à Bethléem, où Jésus se trouvait, mais elle les dirige d’abord sur Jérusalem : la cause en est peut-être dans le passage d’Isaïe, qui rattache à Jérusalem la lumière qui se lève et les voyageurs qui apportent les présents ; mais le principal motif, c’est qu’on trouvait Hérode à Jérusalem ; or, qu’y avait-il de plus propre à déterminer l’ordre sanguinaire de ce prince que la nouvelle saisissante apportée par les mages qui avaient vu l’étoile du grand roi des Juifs ?

Faire rendre un arrêt de mort par Hérode contre Jésus était dans l’intérêt de la légende chrétienne primitive. De tout temps, la légende a glorifié l’enfance des grands hommes par des tentatives de meurtre et de persécution. Plus était grand le danger suspendu sur leur tête, plus leur prix semblait s’accroître ; plus leur conservation était inattendue, plus se montrait visiblement toute l’importance que le ciel attachait à leur personne : aussi trouvons-nous cette particularité dans les récits de l’enfance de Cyrus par Hérodote, de Romulus par Tite-Live[1], et même encore plus tard dans le récit de l’enfance d’Auguste par Suétone[2]. La légende hébraïque n’y a pas non plus manqué pour Moïse ; ce dernier récit, 2 Mos., 1, 2[3], est très voisin des récits évangéliques en ceci, que des deux côtés l’arrêt de mort a été prononcé, non pas nominativement contre Moïse et Jésus,

  1. Hérod., 1, 108 seq. ; Tite-Live, 1, 4.
  2. Octav., 94 : Ante paucos quam nasceretur menses, prodigium Romæ factum publice, quo denuntiabatur regem populi romani naturam parturire ; senatum exterritum censuisse ne quis illo anno genitus educaretur ; eos qui gravidas uxores haberent, quod ad se quisque spem traheret, curasse ne senatus-consultum ad ærarium deferretur.
  3. Déjà Bauer (Sur le mythique dans la première période de la vie de Moïse, dans n. theol. Journal 13, 3) avait comparé, avec la conservation merveilleuse de Moïse, la conservation de Cyrus et de Romulus. La comparaison du massacre des innocents à Bethléem fut ajoutée par De Wette, Kritik der mos. Geschichte, S. 176.