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d’avance par une étoile. Les nouveaux chrétiens d’entre les Juifs ne pouvaient justifier à leurs propres yeux et aux yeux des autres leur croyance en Jésus comme Messie qu’en s’efforçant de montrer en lui la réalisation de tous les attributs que les idées juives de cette époque prêtaient au Messie ; réalisation qui fut d’autant plus dégagée de toute mauvaise intention et d’autant moins contestée qu’on s’éloigna davantage du temps de Jésus, et que l’histoire de son enfance en particulier fut entourée de plus d’obscurité. En conséquence, on ne douta bientôt plus que l’étoile attendue n’eût présidé réellement à la naissance de Jésus[1]. Si l’on supposa que des mages orientaux l’aperçurent, c’est que cette particularité s’offrait d’elle-même du moment qu’on croyait à l’apparition de l’étoile ; car, d’un côté, personne ne pouvait mieux comprendre que des astrologues la signification de ce phénomène, et l’Orient passait pour la patrie des connaissances astrologiques ; d’un autre côté, il devait sembler convenable de faire voir par les yeux à des mages l’étoile messianique que l’ancien mage Balaam avait vue en esprit.

Cependant cette particularité, ainsi que le voyage des mages en Judée et les dons précieux qu’ils offrirent à l’enfant messianique, tient encore à d’autres passages de l’Ancien Testament. Dans la description du meilleur avenir donnée par Isaïe, chap. 60, le prophète déclare expressément qu’alors les peuples et les rois les plus éloignés viendront à Jérusalem adorer Jéhovah, et apporteront de l’or, de l’encens et toutes sortes de présents agréables[2]. Si dans ce passage il n’est question que du temps du Messie, et si le Messie lui-même y manque, le psaume 72 parle d’un roi que l’on redoutera aussi longtemps que dureront la lune et

  1. Fritzsche, dans la suscription du chapitre II : Etiam stella, quam judaica disciplina sub Messiæ natales visum iri dicit, quo Jesus nascebatur tempore exorta est.
  2. Si dans Matthieu, 2, 11, il est dit des mages : Προσήνεγκαν αὐτῷ… χρυσὸν καὶ λίϐανον, il est dit dans Isaïe, 60, 6 (LXX) : Ἥξουσι, φέροντες χρυσίον, καὶ λίϐανον οἴσουσι. Le troisième présent, qui dans Matthieu consiste en σμύρνα, est dans Isaïe λίθος τίμιος.