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peut montrer avec plus de clarté comment la légende a eu un intérêt à représenter comme réellement arrivés des événements qui pourtant n’ont jamais eu lieu.

Ce dernier argument s’adresse aussi aux théologiens qui, dans ces derniers temps, ont essayé, du point de vue du supranaturalisme, de faire, dans le récit évangélique, le triage de ce qui est réel et de ce qui a été inventé. Dans un pareil récit, dit Neander, il faut distinguer avec soin le fait lui-même des circonstances isolées, et ne pas demander le même degré de certitude pour toutes choses. Suivant lui, ce qui est essentiel et certain, c’est que les mages, à l’aide de leurs recherches astrologiques, ont eu le pressentiment de la naissance du Rédempteur en Judée, et sont venus à Jérusalem pour lui rendre hommage. Maintenant, arrivés dans cette ville, comment ont-ils appris que l’enfant était né à Bethléem ? Est-ce par Hérode lui-même ou de toute autre façon ? Sur ces questions, Neander ne veut pas garantir avec une certitude égale les détails de Matthieu, et il ajoute que ce n’est pas là non plus l’affaire essentielle. Les mages ont pu, dans la petite ville de Bethléem, être conduits au lieu de la naissance de l’enfant par plusieurs dispositions de la Providence, qui auront été conformes au cours ordinaire des choses : par exemple, la rencontre des bergers ou d’autres personnes pieuses qui avaient pris intérêt au grand événement. Une fois dans la maison, ils ont pu représenter leur observation astrologique et la cause de leur pressentiment suivant l’idée qu’ils s’en étaient formée en tournant leurs regards vers le ciel étoilé. Neander[1] conserve comme historique la fuite en Égypte et le massacre des innocents. Cette explication du récit évangélique ne s’est débarrassée, à proprement parler, que de la plus grande difficulté, c’est-à-dire de l’étoile qui précède les mages et qui s’arrête sur la maison ; les autres difficultés subsistent. Mais elle a aban-

  1. L. J. C., S. 29 f.