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pas suggéré. Ne pas aller à Bethléem à cause d’Archélaüs, telle avait été l’idée de Joseph éveillé, et c’est une idée négative ; se rendre à Nazareth, tel est l’avertissement donné par le songe, et c’est quelque chose de positif. Dans les autres visions en rêve, ce serait interpoler le texte que de vouloir l’interpréter de cette façon ; car, d’après le texte, les projets de meurtre d’Hérode contre l’enfant, aussi bien que la mort de ce prince, ne sont connus de Joseph que par le rêve ; de même aussi les mages ne conçoivent de la défiance contre Hérode que lorsque le rêve les avertit de se garder de lui.

Ainsi, d’une part, c’est aller contre le sens du récit évangélique que de concevoir comme naturels les événements que l’auteur raconte ; d’autre part, prendre ce récit dans son sens propre, c’est pousser le surnaturel jusqu’à l’extravagance, et l’invraisemblable jusqu’à l’impossible. Il faut donc se laisser conduire à douter du caractère historique de cette narration, et à conjecturer que nous avons peut-être ici sous les yeux quelque chose de mythique. Mais dans cette voie les premières tentatives ont été si malhabiles que, par le fait, elles ne se sont pas élevées au-dessus de la sphère de l’explication naturelle, qu’elles voulaient dépasser. Voici, par exemple, ce que dit Krug : des marchands arabes, étant venus par hasard à Bethléem, connurent les parents de Jésus, et apprirent qu’ils étaient étrangers et dans le besoin (d’après Matthieu, les parents de Jésus n’étaient pas étrangers dans Bethléem) ; ces marchands leur firent des présents, leur souhaitèrent du bonheur pour leur enfant, et partirent. Plus tard, Jésus ayant joué le rôle de Messie, on se souvint de cette aventure, et on l’embellit des récits sur l’étoile, sur la vision en songe et sur la pieuse adoration. Les particularités de la fuite en Égypte et du massacre des innocents y entrèrent aussi, parce qu’on supposa que cet événement n’avait pas été sans influence sur Hérode, lequel,