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retenir les mages à Jérusalem[1], et, pendant ce temps-là, faire disparaître par de secrets émissaires l’enfant, si facile à découvrir dans la petite ville de Bethléem, auquel des espérances si particulières se rattachaient, ou bien donner aux mages des compagnons qui ôteraient, de la manière la plus sûre, la vie à l’enfant dès que les voyageurs orientaux l’auraient découvert. Olshausen lui-même trouve que ces remarques ne sont pas sans fondement, et en définitive il ne sait y répondre qu’en disant que l’histoire de tous les temps présente des oublis incompréhensibles qui montrent seulement qu’une main supérieure dirige le cours des événements humains. Quand le supranaturaliste invoque ici une main supérieure, il doit entendre que Dieu même aveugla Hérode, ordinairement si prudent, lui fit manquer le moyen sûr d’atteindre son but, et sauva ainsi l’enfant messianique d’une mort prématurée. Mais cette dispensation divine a eu une autre face : c’est que, à la place d’un enfant, plusieurs autres ont dû périr. Il n’y aurait rien à objecter si l’on pouvait prouver que c’était là le seul moyen de sauver Jésus d’un sort inconciliable avec le but de la rédemption. Or, du moment que l’intervention surnaturelle de Dieu est admise pour aveugler Hérode et pour inspirer plus tard aux mages de ne pas repasser par Jérusalem, on demandera pourquoi cette intervention ne s’exerça pas aussi pour leur inspirer tout d’abord d’éviter Jérusalem par un détour, et de se rendre directement à Bethléem, précaution qui aurait empêché l’attention d’Hérode de s’éveiller si immédiatement, et qui aurait peut-être prévenu tout le mal[2]. Au point de vue orthodoxe, il ne reste plus qu’à répondre dans le style tout à fait ancien, qu’il a été bon pour les enfants de

  1. Hoffmann pense qn’Hérode ne se serait pas permis une telle violation des droits de l’hospitalité, Hérode que lui-même il représente avec raison comme un monstre de cruauté. Cette conduite nous paraît ici en contradiction, non avec le cœur d’Hérode (et en cela l’argumentation de Neander, p. 30, est superflue), mais avec son intelligence.
  2. Schmidt, Exeg. Beitræge, S. 155, f.