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cit vienne de Marie, bien qu’on pût s’y croire autorisé par le verset 19, où il est dit qu’elle renferma tous ces discours dans son cœur ; et il a d’autant plus raison que ce verset, dont Schleiermacher ne tient aucun compte, n’est qu’une phrase prise dans l’histoire de Jacob et de Joseph. La Genèse raconte de Jacob, en sa qualité de père de cet enfant merveilleux, qu’il renferma, tout pensif, dans son cœur les paroles de Joseph, qui venait de raconter ses rêves prophétiques, et à qui pour cela ses frères portaient envie ; de même, pendant les merveilles de la naissance de Jésus, le récit de Luc attribue ici et plus bas (2, 51) à Marie une attitude pleine de convenance ; et, tandis que les autres expriment à haute voix leur étonnement, elle, silencieuse et méditative, renferme en elle-même ce qu’elle voit et ce qu’elle entend[1]. C’est donc ailleurs que Schleiermacher cherche la source du récit de Luc ; suivant lui, les bergers en sont les auteurs, et cela, parce que tout est raconté, non du point de vue de Marie, mais de leur point de vue. Il faut dire bien plutôt que tout est raconté du point de vue de la légende, car elle plane également sur Marie et sur les bergers. Schleiermacher trouve impossible que ce récit soit une bulle d’air formée de rien ; ce n’est donc rien, suivant lui, que les idées des Juifs et des premiers chrétiens sur Bethléem, qu’ils croyaient devoir être nécessairement le lieu de la naissance du Messie ; sur l’état pastoral, qu’ils regardaient comme particulièrement honoré d’un commerce avec le ciel ; sur les anges, dont ils faisaient les intermédiaires de ce commerce. Il nous est impossible d’estimer si peu cet ensemble d’opinions, et nous comprenons sans peine comment il a pu en naître quelque chose de semblable au récit de

  1. Que l’on compare ; 1 Mos. 37, 11 (lxx) : Ἐζήλωσαν δὲ αὐτὸν οἱ ἀδελφοὶ αὐτοῦ · ὁ δὲ πατὴρ αὐτοῦ διετήρησε τὸ ῥῆμα. Voyez en outre les Rabbins dans Schœttgen. Horæ, 1, 262.

    Luc, 2, 18, seq. : Καὶ πάντες οἱ ἀκούσαντες ἐθαύμασαν — ἡ δὲ Μαριὰμ πάντα συνετήρει τὰ ῥήματα ταῦτα, συμϐάλλουσα ἐν τῇ καρδίᾳ αὑτῆς. 2, 51 ; Καὶ ἡ μήτηρ αὐτοῦ διετήρει πάντα τὰ ῥήματα ταῦτα ἐν τῇ καρδίᾳ αὑτῆς.