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été présente à la naissance de Moïse[1], ne pouvait manquer à celle du Messie, image de Moïse supérieure à son modèle. L’explication mythique de ce chapitre a trouvé un adversaire en Schleiermacher[2]. Il juge invraisemblable que ce commencement du deuxième chapitre de Luc soit la continuation du précédent et du même auteur ; car plusieurs occasions se présentaient de se livrer à des effusions lyriques, par exemple lors du retour des bergers glorifiant et louant le Seigneur, V. 20, et il n’est pas fait usage de ces occasions comme dans le chapitre premier. Peut-être Schleiermacher a-t-il raison d’admettre ici des auteurs différents ; mais, lorsqu’il conclut que, si ce récit portait une empreinte exclusivement poétique, les effusions lyriques y tiendraient plus de place, visiblement Schleiermacher n’a pas saisi l’esprit de la poésie mythique, de celle dont il s’agit ici. La poésie mythique ne cherche pas ses inspirations dans l’âme même du poëte ; elle se concentre tout entière dans la scène et le récit qu’elle crée : aussi peut-elle paraître sous la forme la plus simple, et sans aucune de ces effusions lyriques qui sont bien plutôt l’addition postérieure d’une poésie plus habile et plus maîtresse de ses moyens[3]. En tout cas, nous avons, ce semble, les paragraphes qui se suivent ici, sous une forme plus voisine de la forme primitive de la légende, tandis que les récits du premier chapitre dans Luc portent davantage l’empreinte du travail poétique d’un individu ; mais, pas plus d’un côté que de l’autre, il ne faut chercher de réalité historique : aussi ne doit-on voir qu’un exercice de sagacité dans la prétention que Schleiermacher a mise en avant de montrer la source d’où ce récit est passé dans l’évangile de Luc. Il ne veut pas que ce ré-

  1. Sota, 1, 48 : « Sapientes nostri perhibent circa horam nativitatis Mosis totam domum repletam fuisse luce. » (Wetstein.)
  2. Ueber den Lukas, S. 29. f. Aujourd’hui Neander, L. J. Ch. S. 21 f., se joint entre autres à Schleiermacher.
  3. Comparez de Wette, Kritik der mosaischen Geschichte, S. 116 ; George, Mythus und Sage, S. 33 f.