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l’oublier) le recensement non seulement à toute la Palestine, mais encore à l’empire romain entier.

Cependant, à ces impossibilités chronologiques ne se bornent pas les difficultés ; la manière dont Luc rapporte que le recensement fut exécuté est sujette à de graves objections. Il dit d’abord que Joseph alla, à cause du cens, à Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la patrie de David, διὰ τὸ εἶναι αὐτὸν ἐξ οἴκου καὶ πατριᾶς Δαϐὶδ ; que chacun se rendait dans sa ville propre, εἰς τὴν ἰδίαν πόλιν, c’est-à-dire, d’après le contexte, au lieu d’où sa famille était originaire. On était en effet, dans les recensements juifs, obligé de se faire inscrire dans le lieu de sa tribu, parce que, chez les Juifs, l’organisation par famille et par tribu constituait la base de l’État ; les Romains, au contraire, opéraient le recensement dans les lieux de résidence et dans les chefs-lieux de districts[1]. Ils ne se conformaient aux usages des populations conquises qu’autant que ces usages ne gênaient pas leurs opérations ; or, ici, ces usages allaient directement contre leur but, puisqu’un particulier, comme Joseph, pouvait être appelé par le recensement dans des lieux très éloignés de sa résidence, où l’on ne connaissait pas son avoir, et où il était impossible de contrôler ses déclarations[2]. On admettrait donc plutôt avec Schleiermacher[3] que la vraie cause qui conduisit les parents de Jésus à Bethléem, fut une inscription sacerdotale que l’évangéliste a confondue avec le recensement de Quirinus, qu’il connaissait mieux. Mais cette concession n’ôterait pas la contradiction qui s’attache à la malheureuse assertion de Luc : il fait inscrire Marie avec Joseph (v. 5) ; or, d’après la coutume juive, l’inscription ne comprenait que les hommes[4]. Luc aurait donc

  1. Voyez les passages de Wetstein et Paulus.
  2. C’est ce que montre Credner, l. c., S. 234.
  3. Ueber den Lukas, S. 35 f.
  4. Comparez Paulus, l. c., S. 179. Si la présence de Marie, dit Tholuck, n’était pas indispensable dans le recensement juif, elle l’était dans le recensement romain : et il invoque (S. 191) le