Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un recensement ; et si les renseignements historiques sont exacts, ceux des évangélistes sont faux nécessairement. Mais ne se pourrait-il pas que les choses fussent inverses, et que Jésus fût né après le bannissement d’Archélaüs, au temps du recensement de Quirinus ? Indépendamment des difficultés dans lesquelles cette hypothèse nous jetterait pour la chronologie du reste de la vie de Jésus, il est impossible qu’un recensement romain, après le bannissement d’Archélaüs, ait appelé les parents de Jésus, de Nazareth en Galilée à Bethléem en Judée ; car la Judée seule et ce qui avait appartenu à Archélaüs devinrent province romaine, soumise au recensement ; en Galilée, Hérode Antipas resta avec la qualité de prince allié ; et aucun de ses sujets domiciliés à Nazareth ne pouvait être appelé à Bethléem pour y être recensé[1]. Ainsi l’évangéliste, pour avoir son recensement, se représente l’état du pays tel qu’il fut après la déposition d’Archélaüs ; et, en même temps, pour rendre cette opération commune à la Galilée, il se figure le royaume indivis comme il était sous Hérode le Grand. Il suppose donc des choses qui se contredisent évidemment, ou plutôt il n’a qu’une idée excessivement confuse des rapports politiques à cette époque ; tellement qu’il étend (il ne faut pas

  1. Le passage de Josèphe, B.j., 2, 8, 1, où il est dit de Judas le Galiléen qu’après la déposition d’Archélaüs il souleva, à cause du recensement, les indigènes, τοὺς ἐπιχωρίους, ne prouve pas aussi promptement que Hoffmann le pense, p. 234, que le recensement s’était aussi étendu à la Galilée ; car Josèphe dit dans son ouvrage postérieur et plus exact, Antiq., 18, 1, 1 : Quirinus vint aussi dans la Judée, réunie au gouvernement de Syrie, pour faire le recensement des propriétés des Juifs, et pour vendre les biens d’Archélaüs, παρῆν δὲ καὶ Κυρήνιος εἰς τὴν Ἰουδαίαν, προσθήκην τῆς Συρίας γενομένην, ἀποτιμησόμενός τε αὐτῶν τὰς οὐσίας καὶ ἀποδωσόμενος τὰ Ἀρχελάου χρήματα. Ainsi le recensement, qui comprenait au reste, d’après 17, 13, 5, tout ce qui, de la Syrie, était province romaine, fut évidemment borné, en Palestine, à la principauté de Judée. Que l’on compare ensuite la description de la révolte, Antiq., 18, 1, 1. 2, 1, où il n’est plus question de la Galilée, où Judas s’appelle le Gaulanite, et où le grand-prêtre complaisant à Jérusalem est représenté comme entraîné par la multitude, καταστασιασθεὶς ὑπὸ τῆς πληθύος ; on sera forcé de considérer la Judée comme le théâtre de l’insurrection, et prendre l’expression du livre sur la Guerre judaïque, indigènes, ἐπιχωρίους, dans un sens plus étendu, ou supposer que Judas, ayant mis en mouvement les Galiléens, naturellement turbulents, par la perspective d’un recensement qui allait bientôt les atteindre, avait, de là, transporté la révolte en Judée.